C'EST A MOI LES TRENTE GLORIEUSES ! | 09 septembre 2012

Ces nuits crades et joyeuses étaient toujours gâchées par les remords, la culpabilité et un brin d’agacement : « Faut lui trouver un mensonge pour ménager son petit esprit de femme amoureuse ». Mon corps était encore imprégné de putains, leur sui gazeuse qui avait bouchée tous les pores de ma peau. J’étais comme un pochetron qui se serait aspergé d’essence pour éviter d’être reconnu. On devenait ou on ne devenait pas.
Je devrais dire « je », mais le « on », c’est notre ennemi à tous, le caché, l’innommé, le « on » qui guette avec son gun chargé, tapi en embuscade dans le recoin de toutes les vies. La conspiration du taper le bout de gras, du refaire le monde verre après verre, la dictature du complot, de l’esprit de déclin qui va si bien aux vieux depuis toujours. Et plus il y avait de vieux dans ce continent vioque et plus leur peur collective de décliner vers la mort submergeait la force vitale d’une jeunesse qui, malgré leurs dires, continuaient à tringler, à se bousiller de plaisir dans les teufs, les baises et je m’en foutisme d’une vie non tracée et donc libre de droit (N’aurait-il pas été préférable de les mettre au pas ? se demande « mangeux d’purée, de potages et de JT de 20 heures »). Le « on » trime un peu plus chaque jour, jouissant d’un statut qui concurrence volontiers la peur individuelle de finir grabataire, la loche pendue, le baveux à pleine production, l’élite du dérèglement nerveux aux commandes, sans soupape de sénilité. Il est là le « on » et ses armés de « gens-là », de frimeurs de « ils ont dit que » sans qu’on sache exactement s’il s’agit de Francs-maçons, de météorologistes ou de fondamentalistes de tous poils ou d’experts en costard affublés du sigle pompeux : économiste. Le « on » se glisse dans toutes les conversations, toutes les promesses et les prières. Cette ordure manifeste son autorité dans toutes les strates – & paillettes – de l’existence, mot générique souvent fédérateur, capable « d’émuler » une bande de tocards propriétaires de maisons moches et standards, en révolution à la petite semaine, braillant drapeaux rouges : « Les patrons, c’est des salauds. On nous entube, on se foute de nous, on exige le retour de nos emplois ou on va tout casser ». C’était ça, de mémoire. Des luttes de gosses hyper-nourris, hyper protégés qui finissaient par gonfler tout le monde avec leur caprice : « RENDEZ-MOI MES TRENTE GLORIEUSES, C’EST A MOI LES TRENTE GLORIEUSES ! ». Le « on » qui s’amuse dans les chaussettes… Je m’éparpille encore, mais il faut faire vite et tout dire, quitte à vous laisser croire que je ne maitrise rien.
On devenait, donc, et sans le vouloir, le gosse de son partenaire, à terme, avec cette discipline de gosse qui s’impose, cette façon de se justifier de tout, au point  d’en éteindre le sexe et d’en détruire les lambeaux d’expérience pendouillant de partout dans la grotte froide et humide de l’esprit.

Extrait de « Mon Usine, la suite… ». Roman en cours d’écriture.
A insérer dans la partie 2 (l’inviolable tombeau des réseaux)
Andy Vérol

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