Dans l'estomac d'un alevin ou d'une limace | 11 septembre 2012

Que dire de la force de conviction d’un type qui dormait ivre chaque nuit dans la rue ?
Affalé sur un canapé de linge sale, il «rocaillait » fluide :  

« J’ai besoin d’y croupir pour y sentir les semelles de Dieu. Tu sais, ce macadam pue, craquelé, malaxé/tiraillé par la chaleur et le temps. Tiens, si un matin, tu regardes tout ça d’un peu plus haut, tu n’y verras que de l’électroménager rouillant sur les trottoirs de grands boulevards larges qu’ils avaient construits en plein milieu des champs, des forêts, des déserts !. Ils bâtissaient partout, ils régurgitaient de plus en plus, l’estomac de la société commerciale dégueulant à tout-va la quasi-totalité des machins bouffés en énorme quantité. On ne sait plus voir les morts, on en a peur, mais c’est con ! La cocote cérébrale a tout prévu l’ami ! Dedans y’a déjà la feuille de route vers la mort, les mécanismes pour estomper tout ce bordel, l’usine viandeuse qu’est le corps. L’instant où tout s’interrompt, c’est comme un shoot. Alors j’attends. Je dors, ou je fais semblant de dormir, et j’attends qu’un type passe avec une hache et me coupe la tête d’un coup sec ! Ou qu’un autre vide son chargeur sur mon corps inerte, en plein sommeil ! C’est ça que je cherche, c’est pour ça que je vis ! Pour réussir ma mort, pour qu’elle soit sonique, terrifiante, belle, agréable ! C’est ça la junk’ mec ! C’est une répétition volontaire de la mort ! Chaque shoot est l’expérience de la fin, de la chute ! La morale de merde qui entoure le shoot est surtout le fruit des gens qui fuient. Mais aujourd’hui mec ! AUJOURD’HUI ! C’est fini les crédits, les tafs payés 2500 euros, la baraque, les vacances, les écrans, la sécu et tous ces machins qui ne font que retarder l’échéance ! Dieu, on le défie pas. L’Univers, on le contrôle pas. On est la chose de tout ça et peu importe ! Quand tu crèves, tu entres pleinement dans l’Univers ! Tu en deviens une des composantes intégrantes ! Tu composes le cerveau infini, tu en es une cellule, une synapse ! C’est pas mieux ? Franchement ?! Tu te prends moins la tête après la mort ! Fini les galères d’emploi, de famine, de ruptures ! Fini les faux moments de bonheur, les pannes au plumard, les gueules de bois, les chimio, les chaises roulantes, les harcèlements ! Tu n’es plus un des membres de cette banlieue céleste créée comme un jouet par Dieu ! Le shoot sert à ça ! Vivre la mort et s’apercevoir qu’ensuite, il y a autre chose : de l’enfer ou du merveilleux. Appelle ça paradis si tu veux. Appelle ça enfer si ça te chante ! Appelle ça poussière, néant, ou festin pour miasmes ! Tu es toujours là, sous une autre forme ! Tu n’es plus que matière mais tu es là, dans les eaux usées, à la surface des océans, dans l’estomac d’un alevin ou d’une limace ! Tu es là mec ! T’as plus de tête, plus d’yeux, plus de bite ni de bras, encore moins de conscience ! Tu es dans le béton des immeubles et le terreau des bois ! ».
Il serra le garrot sur son mollet et piqua la cheville dans une zone de peau violacée par les injections. Son corps bascula en arrière, et son visage cireux bâtit douloureusement un sourire à mon endroit. Il était le roi des androïdes dans l’immeuble. C’était un fait, pour moi.

Mon Usine, la suite… Roman en cours d’écriture.

A insérer à « Marseille ». La pyramide des sans-races.

Andy Vérol

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