La mégapole est un acouphène... | 07 février 2013

©Photo de Yentel Sanstitre
Alors comme ça, toi aussi tu as un visage!

L'angoisse monte, les gosses sont moyens à l'école, tu es moyen au taf (mais tu arrives encore à le camoufler en gesticulant, parlant ou en prétextant des pannes informatiques...), tu es de plus en plus nul au pieu (demi-gaule, missionnaire, éjac' pénible, sourires gênés juste après), t'arrives pas à arrêter de fumer, tu t'emmerdes à toutes les soirées, tu as l'alcool agressif ou somnifère, tu as des petites douleurs partout qui te font penser au cancer, tu n'as jamais aidé personne, tu ne plais plus à personne, tu n'as aucun courage pour une révolution ou pour créer ta boîte... Tout va bien quoi... « T'as vu? J'ai une belle bosse », son sourire de dents en or faisait l'effet d'un haut fourneau fonctionnant à plein pot...

Quiconque me glace le sang, tue mes douleurs.

Ben c'est comme quand tu sors du ciné, encore la gueule enfarinée par le film et le noir de la salle et que l'autre te dit: « Alors t'en as pensé quoi? »... Putain, ça nique les meilleurs films ça.

Il n'y a pas que le physique, il y aussi la gestuelle, la sudation et les mastications hein...

Respecte l'aspirateur plein de poussières dans la cabane sans chauffage et les couvertures qui grattent. Une chaussette fossilisée pendouille sur le dossier d'une chaise en bois et en osier percé.
Il fuyait les deux mains en avant, les rêves tirés par les épaules, à travers les dunes entre les bombardements, la joue collée sur la porte du réfrigérateur, les dunes, et les bombardements, les épaules tirées vers le haut par des rêves, un coucher de soleil, des filaments de mecs déchiquetés, il fuyait les deux mains en avant, les paumes captées par les dernières secondes de jour véritable: un soir en été 1986 ou 2016, il ne savait plus tellement.
La rue de travers, le calvaire, deux mains jointes finalement et le souvenir de l'ivresse. Il roulait des pelles à des vitres, il griffait le bois de pin de son lit une place, il suçait la housse de couette et faisait des bruits de bouche, toujours dans le noir, il se levait se mettait contre le froid de la fenêtre coulissante et sentait l'air de la nuit, l'enveloppe chimique qui couvrait la cité ivre, des coups de feu au nouvel an, des pare-brise éclaté, il griffait le bois de pin de son lit une place, ruinait la housse de couette avec ses dents et sa salive, entre les dunes, sous les bombardements, un soleil disparu derrière les rangés de bidon d'essence. Il plaquait sa joue contre la vitre froide, il fumait à trois heures du matin après s'être masturbé au milieu des bombardements, des dunes, de la ville endormie, ... 

L'Univers, ce sont les Dieux, et les dieux ne sont pas des nounous pour l'Homme. Ce sont des gros crevards qui jouent au billard avec les atomes, armés de queue: l'énergie...

Lorsque je remis les fioles de sperme au docteur, il me fit un clin d'œil de connivence avant de murmurer: « J'espère que tu en as un peu profité gringalet, hein? ». Brusquement, je me retournai et lui dit, dans ce couloir encombré de malades, d'infirmiers et de marchands d'arnaques: « Oui j'ai pris mon pied... Chaque jour que je passe ici amplifie mon désir pour ces moribonds »...
Une crème brûlée, puis une main coupée sous la cloche argentée, puis une montre à gousset mal réglée, et enfin le pouce et l'index sur l'interrupteur...
Des amoncellements de fils fins de fer qu'on appelait mauvaises herbes, des terrasses de restaurant installées dans les décharges d'ammoniaque. Les arnaques aux coups de soleil... Baisers au carbone 14, orgasmes à la seringue et autoroute du soleil par contumace. Verdâtre, poreux, le légume flasque de tes joues... Des thunes vouées à la vie chère, une bière à la main, l'ogre aux avant-bras poilus bruns minaudait devant cette jolie cul-de-jatte aux bras flanqués de bas blancs... Des dunes douées de viscères s'étalant sur des chemins de randonnées, des pistes cyclables sillonnant la forêt de pins brûlés et de pneus poussiéreux.
L'œil vitreux du serveur défonça la vitre fumée de la limousine rose du boss des étés indiens, celui qu'on appelait « le pachyderme ».
Il hurlait toujours: « Il me troue le cul! Il me troue le cul ». Une couette sur les épaules sous un cagnard castrant de chaleur, il transpirait tous ses Ricard et ses restes de muscles hachés menus.
Une sensation de beurre entre les dents me paralysa devant la porte blindée de la centrale nucléaire de Noël, avec le petit fœtus obèse, la vache Joseph et le crabe Marie. Il avait des dents totalement pourries qui lui servaient de hachoir à salive, m'inondant de ses versets, sourates, psaumes et autres salutations ad vitam eternam...

La maison-mère de tous les cercueils de la ville-musée: Paris...

L'accalmie fut de courte durée. Quand la tempête de postillons reprit, il n'avait pas encore hissé sa lettre de démission en haut du mat noir de son fast-food bio équitable en openspace... Il avait la voix de la femme de l'antivirus gratuit qui avait disparue. La belle et toutes ses promesses de fonder une famille s'était barrée, laissant son écran d'ordinateur affublé d'un ERROR FATAL! J'ai rangé les rasoirs, tes doigts, tes culottes et le fil à sécher ligoté dessus, j'ai planqué la masse, les cartes Michelin, la clé de l'appartement d'en-face, une touffe de gènes et enfin, j'ai allumé la radio, sur un truc intello puis je me suis planqué, et j'ai attendu qu'ils viennent l'arrêter. Un instant elle cria dans la rue, ses poumons plaisantaient dans une quinte de toux qui faisait peine à voir. Elle rentra shootée, dans la bagnole d'un bon gros poilu de 40 ans son aîné. Une tribu de tréteaux occupait la vallée bleue aux milles fessées. Elle vécut ainsi, tranquillement, au rythme paisible des chasses d'eau fraiche...

Lorsque tu avales ton sang qui coule de ton nez... alors...

... tu te dégustes toi-même? Peut-être que tout ça n'est que ton camping-car, qu'il ira s'encastrer dans un fossé, qu'il signera une nouvelle ère pour toi... Tout le monde n'a pas les moyens de vivre comme toi sur Vulcain 34, un verre de mercure à la main et des flatulences recyclées en hydrocarbures filtrés... Le manifeste des eaux croupies en bandoulière, il sillonnait la ville pour convertir les passants/cartes/crédits à sa cause: touiller les humains et se cacher sous le lit. Plutôt que de me laisser faire, finalement j'optai pour des nuits courbatures à même le sol, sous le sommier, à la place exacte des monstres qui ne montraient jamais le bout de leurs cordes visqueuses... Le massif montagneux trompait la vue: vacuité d'un paysage tellement plus admirable une fois retouché au logiciel et flanqué d'UNE BONNE BALAFRE AU SCALPEL. On ricanait muet au bord de l'étang, des amis grisâtres placardés dans les vestiaires de la salle de sport, putes de service, serfs pour folles musclés en short, adeptes de l'ovalie, du ventricule gauche et de l'envie ventre... Vêpres.
Car dans les années 80, il fallait se soumettre aux murs barbelés mais aussi au ski nautique, il fallut nous rendre à l'évidence: nous avions cessé d'inventer la lame à couper les têtes... De drôles de petits personnages creusaient la terre au bord de la route. Ils mangeaient le sandwich sans le déballer du papier alu. Loin du temps des doudounes, des saisons, désormais, on avait la malaria dans la clim' de l'open-space.

Voilà, Noé a traversé l'océan de trombes....

Une petite centrale hydroélectrique, des aiguilles plantées le long du bras droit. Il croque un champignon en regardant passer le convoi de camions de viande... Les pieds jaunis dans les sabots, les mains en bois sur la canne en toc, l'ourlet au pantalon de lin crade, le marcel sueur. « D'mon temps, on mourrait tout le temps. Maint'nant, même ça, y savent plus faire ». Les résistants, les rebelles, t'en as plein la boîte à paroles... Mais ce jour où on lui dira « cours », il foncera avant d'être terrassé par une balle précise. Gambader dans l'ghetto, réajuster son tricot en causant avec le négro, il était connu de tous, se jouant des trous dans la chaussée, des insultes, des taxis lui splachant la flotte des flaques sur son bel habit sale.

Journal intime des statuts facebook autocensurés...

Recherche ETP (équivalent temps plein) pour suicide collectif: poignets menottés à la barre d'un caddie puis balancé dans une décharge de produits alimentaires jetés après la date de péremption. Regard non-autorisé sur la vedette de quartier, admission immédiate dans son cagibi de baise, sa cabine d'émiettement d'amants pré-sidaïques en mal de célébrité: stars télé-réalité déchues, se prostituant dans les placards des basses-cours, paradant lunettes D&G immenses dans les rues boueuses de Paris 2033.
Armé de son scorbut et de quatre décennies d'alcoolisme, il se promenait dans la rue, la queue rouge molle descendant du short... C'était ça le privilège de la vieillesse... Il s'occupait du chenil des armes à feu des criminels, gangsters et maris trompés morts... Sa face grise était aussi massive que le canon des flingues esseulés.

Je suis un rabat-joie avec de la toile de jute sur la chimio à venir...

La neige tombait sur le sol brûlant. Lessivé par une nuit de sommeil, il s'éveilla enfin, réalisa que la vie, c'était là, dans la télé, dans l'émission de variété... Son poignet tranché s'évida sur le tapis...

Quelques larmes de tristesse par contumace...

Systématiquement le temps se contractait, dessiné par de brèves disparitions qui brûlaient la vue et l'esprit. Soit.

Le problème, c'est la mémoire des autres...

Ils avaient des serviettes vertes en papier, un kilo de farine, un rouleau de papier d'alu et un guide Michelin sur le Luxembourg. Une biture visuelle. J'ai pas rangé la poubelle, je l'ai laissée trainée, j'ai pas fait le lit, j'ai pas nettoyé par terre, j'ai pas savonné le corps, j'ai pas essuyé le ketchup et la vinasse, j'ai rangé et aménagé nickel mon Usine dans le jeu en 3D, j'ai cagué sur le canapé et vécu sans anus dans le jeu 3D, j'ai cassé la vaisselle et la gueule d'Isabelle dans le réel, j'ai sauvé des royaumes et embelli le monde dans mes virtuels...

La mégapole est un acouphène...

« Mais vous participiez à des parties fines avec des prostitués, monsieur.
- Bien sûr. Ce sont des pratiques bourgeoises quand les moins fortunés, eux, matent ces mêmes prostitués dans des films X, tout en critiquant le fait que moi, ce n'est pas un écran qui me sépare de la personne convoitée, mais tout au plus un préservatif. C'est votre cas? ».
Le journaliste enchaîne pour camoufler sa gêne dans un professionnalisme de cureton libéral de l'information en continu...
« Visiter Dachau ne remplira pas ton frigo ». Il rangea son crayon derrière l'oreille, empaqueta la viande dans le papier et tapa sur les touches de sa caisse avec son gros doigt taché de sang...

L'air glacial et les roues lisses, la lune limée par les vents, la truie hurlant dans la cour, la raison saisie d'effroi, la main caressant le poil soyeux d'un larbin. J'avais enfin ma seigneurie, ses pluies battantes et ses sorcières démesurées.

Léonel Houssam

Commentaires

Bluemandragore a dit…
"L'Univers, ce sont les Dieux, et les dieux ne sont pas des nounous pour l'Homme. Ce sont des gros crevards qui jouent au billard avec les atomes, armés de queue: l'énergie..."

Gnostique....!

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