Pour corriger les intifadistes des quartiers nord






La douce odeur du mec qui pue l'eau de toilette pourrie, le tabac froid de gencives sales et le linge mal séché, large comme un bœuf sur un siège RER prévu pour des nains. Puis Stevie Wonder de merde sur la radio pour beauf avec un expresso âcre et des piliers de comptoir aux gorges cancéreuses...


Je tiens l'arme fermement, la crosse sur le sol du RER, ma tête reposée sur mon poignet. En somnolent, j'essaie cependant d'être encore attentif aux conversations entre voyageuses harassées par une longue journée de travail. Elles parlent généralement de leurs enfants, quelques fois de leur taf. Elles ne font pas attention à moi. Dans vingt minutes, le RER me déposera à la dernière station avant la ligne de front. Je fumerai une cibiche avant de rejoindre mon escadron installé sur la butte à Juju, quartiers sud de Gycer.


Mon cerveau a dit, je ne mémoriserai pas... Je retire le "je" du texte. On descend du RER. Toutes les femmes ont quitté les rames une station plus tôt, à préfecture. On a une gourde dans la main, les manches relevées, la clope au bec, l'air un peu loubard bidon, les bandanas rentrés dans la poche du pantalon d'treillis. Le ciment du quai est criblé d'impacts, de mégots écrasés, de tessons de bouteilles. On s'ouvre des boîtes de bière en 50, on se siffle ça en s'shootant à la nicotine pour oublier la daube dans les assiettes de la cantine... On a la fumée d'cibiche qui s'mélange à la vapeur d'frisquet du matin... Les yeux sont explosés, les valoches lourdes accrochées aux cascades latérales du pif piqué au mauvais rouge. Qu'est-ce qu'on fout là? On est là pour corriger les intifadistes des quartiers nord de Gycer. Ils sont encore au pieu, se sont surement flingués l'estomac de la vodka de contrefaçon, des cacahuètes de contrebande, chlinguant du gosier comme des piafs mazoutés au pétrole aillé, hue! On quitte le quai. Une couille coincée, on avance avec les têtes dans l'cul, le casque sous le bras, la langue pâteuse, les chaussettes fossilisées dans les rangos péchos aux puces. Pan! ça claque direct dès qu'on passe les portiques de la gare... Les vitres explosées ont laissé une mer scintillante de verre explosé... ça va chauffer. Un trav' mastoc gaulé comme une armoire à glace me tapote sur l'épaule pour me donner un peu d'entrain. Mon "merci" déraille dans un rot foireux. Tiens, des tirs à droite, des tirs à gauche, des terribles douleurs à l'endroit du sphincter... Fuite en avant. On se jette au sol, on engage le combat en tirant dans les immeubles perforés qui font face à l'entrée de la gare.


Odeur de vieux mâle angoissé derrière sa barricade de sacs de sable.



Léonel Houssam


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