Viens mon chéri baby d’amour



Lorsque Halfred la dépose devant ce motel flambant neuf construit par une compagnie du Sud, Amanda retrouve ce Pakistanais obèse en pantalon rose et top blanc d’où dégueule un multi-ventres gélatineux. Il est adossé à la cabine téléphonique désaffectée située à quelques mètres de l’accueil de l’établissement. Jamais il ne se préoccupe d’elle. Il ne s’intéresse pas aux femmes, seuls les hommes le sortent de sa torpeur graisseuse. Son regard noir s’illumine soudain, ses paupières lourdes laissant place à un iris ténébreux et brûlant lorsqu’il se pose sur Halfred accroché à son volant : « Hey chéri mignon, mon baby chéri, ça va ? Tu viens me voir, viens mon chéri baby d’amouuur ».

En s’approchant, il joue des hanches, sur-joue, efféminé jusqu’au battement des cils, suant abondamment, postillonnant ses « baby », ses « love », bouche en cœur humidifiée par une langue épaisse et mouillée tournoyant frénétiquement sur les lèvres entre chaque mot prononcé. C’est ainsi qu’il vit, tous les jours, sans que personne sache vraiment de quoi il se nourrit et dans quel lieu il croupit la nuit.
La lueur du matin s’est muée en éclairage apocalyptique. L’orage qui se prépare, les vents violents, les trombes d’eau feront fuir le client. Il y a fort à parier qu’Amanda sera tranquille dans sa chambre pour cette fois. La numéro 7, juste après les bennes à ordures, mais à l’étage. Il faut monter vers un couloir extérieur. Le longer. Etre discrète, sans talons, pour ne pas attirer quelques types en manque qui se branleraient dans les chambres voisines et désireux de la sauter gratuitement…
« Les mecs se croient toujours irrésistibles quand ils ont envie de baiser ».
Leurs putains d’yeux de porcs en rut annoncent l’imminence de « la parade de la bite-hélicoptère ». Elle ne leur en veut pas vraiment. Depuis l’enfance, elle absorbe leurs assauts, leurs attaques, leurs combines. Lorsque la porte de sa chambre claque derrière elle, elle entend des pas… qui s’arrêtent devant sa chambre… avant de repartir en sens inverse. L’un des prédateurs l’a reniflée… Elle ferme à double tour. S’allume une cigarette. Se fait couler un bain. Allume la télé. La chaîne 174 diffuse du rap asiatique. Elle sourit, fume, se dénude, plonge et ramollit dans l’eau chaude et câline…
Extrait de « Reine-Mère ». Nouvelle en cours d’écriture.

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