Les silhouettes fantomatiques non-genrées



"Sors de là! Putain t'as les pieds qui chlinguent!"
Polo attrape son futal et fait l'hélice par-dessus sa tête rasée à blanc/sueur. Jena ne bouge pas, continue à vernir ses ongles de pieds, la clope au bec.

Il saisit son phone. Lis le dernier SMS qu'un mec lui a envoyé.
"Spèce de grosse pute.
- Eh ta gueule! T'es au courant qu'c'est mon taf ducon?"

La sonnerie du téléphone de Polo est une mélodie kitch des années 80 qu'il a achetée sur une plateforme de sons. Quand il décroche, Jena repose ses yeux sur le pinceau de vernis rouge.
"Ouais? ... Ok... J'arrive..."
Après avoir raccroché, il enfile son jean, prend soin de loger son flingue dans sa ceinture et part sans un mot pour la jeune femme.
Il marche en boitant. Non qu'il soit blessé, mais il trouve ça "coool". Il siffle une blonde se trimbalant en minishort blanc. Le ciel est orange, les voitures scintillent. Des grosses cylindrées, des camionnettes noires aux vitres teintées, quelques foutues trottinettes.
Une ingénue manque de le bousculer, le regard soudé dans son écran de smartphone. Il ne peut refréner un sourire couillon en se tournant pour regarder son cul. Les cafards sont de sortie, les beats brutaux jaillissent des fenêtres de la grande résidence derrière la grille de fils de fer barbelés. L'air chaud venu de l'océan a plombé toute la population sauf les fêtards shootés.
Polo franchit l'énorme portail doré bardé de caméras de surveillance. Les vigiles ne prêtent pas attention à lui. Ils continuent à mater des filles à poil sur leurs écrans de smartphone. Les beats pullulent, les bandes de chiens errants roupillent à l'ombre des palmiers malades. Le parc qui entoure la bâtisse est d'un vert éclatant, sans doute le seul endroit à des centaines de kilomètres à la ronde où l'herbe pousse encore, copieusement arrosée par les jardiniers.

Polo checke un chinois colossal avant d'emprunter les marches en marbre. Le beat/bass bouffe ses tympans. Il se déhanche un peu. "Loose Legs" de Demuja crache à fond des enceintes. Ça danse, c'est flou. Plus il pénètre dans le hall géant, moins la lumière orange du jour lui parvient. Des dizaines de personnes nues dansent, happées par la transe, le tempo pute, la vulve baveuse de la fête.
Il se faufile, colle son bassin à quelques midinettes qui ne lui en tirent pas rigueur. Ça sent l'alcool, l'herbe, ça sent la sueur, l'ail, ça sent l'énergie. A peine éclairées par des néons de lumière verte clignotant, les silhouettes fantomatiques réveillent une joie de shootés. Polo longe le long bar. L'esprit jazzy au cœur battant de "Lost tape" de Mutual Attraction lui donne des ailes. Il arrive devant une petite porte en chêne massif. En appuyant sur la sonnette, il jette un dernier coup d’œil au hall grouillant de danseurs et danseuses nus. Il sent une érection poindre. La porte s'ouvre sur un couloir étroit et éclairé par des néons blafards.
La porte se referme. Les basses baissent d'un ton. Il ne lui faut pas plus de trente secondes pour rejoindre la pièce aux murs peints en noir. Un bureau. Une chaise devant. Une chaise en face où est assise la femme obèse, crâne rasé, débardeur rouge, pantalon noir, pieds nus.
"Vera salut.
- Approche Polo. T'as ramassé combien?
- 12500.
- C'est mauvais ça.
- Les filles ont chaud.
- Et alors?
- Elles sont moins vaillantes à la tâche.
- Qu'est-ce que ça peut me foutre?
- Je peux pas les tabasser sans cesse Vera. Les marques de coups, ça fait fuir les clients.
- Alors il faut les remplacer mon Polo.
- Déjà?
- Elles ont fait leur temps. En une semaine, c'est pas 12000 qu'il faut ramasser, c'est 30000.
- Je sais bien.
- On reboote.
- Quoi? Déjà?
- Ouais. Le chiffre d’affaire se casse trop la gueule mon loup.
- J’en fais quoi des pouliches ?
- Tu les envoies dans les quartiers-sud. Tu les livres à Amanda contre le pourcentage habituel. Tous ces gravats suffisent aux bouseux de là-bas.
- ça fait deux fois cette année. Les temps sont durs pour renouveler le stock.
- Tu vas assurer mon p’tit Polo. T’as toujours assuré.
- C’est sûr. »
Vera lui tend un verre plein. Il le boit cul-sec. Manque de s’étouffer.
« C’est de ma distillerie perso. Ça arrache la gueule hein ?
- Oh putain ouais. Mais c’est bon ça.
- Eau de vie de sucre de palme et sa poudre de coke diluée. »

Ils rient. Papotent encore un peu avant de faire la basse-besogne.
« Tu sais mon Polo, quand je t’ai débusqué, j’ai su immédiatement que tu serais ma meilleure recrue »
Il rougit un peu. Vera se tourne sur sa droite, se lève péniblement, défait sa ceinture et laisse tomber son pantalon avant de se rasseoir lourdement, la main gauche posée sur le bureau.
« Allez viens mon Polo. Approche »
Il demande à avaler un autre verre avant de s’exécuter. Ce qu’elle lui accorde. A nouveau, il manque de s’étouffer mais son cerveau crie joie et célébration des cieux tordus. Armé de défonce et de courage, il contourne le bureau. Le triple ventre à la peau blanche de Vera dégouline jusqu’au tiers de ses cuisses énormes. L’odeur de sueur et de cul impropre. Il garde le sourire. S’agenouille et enfonce sa main entre le bide et les cuisses, ses doigts parvenant jusqu’à la fente béante et gluante de Vera qu’il doigte doucement.
« Vas-y à fond mon loup. A FOND ! »
Son poing entre dans la gélatine sans difficulté. Il pense à un marteau-piqueur en œuvrant. Vera crie, Véra dit oui. Vera s’essouffle, s’engouffre dans le plaisir. Les à-coups font un bruit de flaque qu’on gifle. « Maintenant, la totale ! LA TOTALE ! »
Elle soulève son bide de toutes ses forces, Polo entre sa tête dans l’interstice et y fourre sa langue. Tunnel de chairs puantes, luisantes, cascades d’eau saumâtre, il manque de vomir, se retient, et frappe au plus profond avec son poing. Il étouffe. Il sent qu’il va crever. Les cuisses puissantes lui broient les épaules. Ses fringues sont trempées. Il va crever dans le vagin éléphantesque de Vera.

Fort heureusement, elle jouit soudainement, en une explosion de cris démentiels et le repousse violemment loin d’elle. Sonné, éberlué, vautré sur le sol, Polo tente de reprendre son souffle, crachant tous les liquides vaginaux qui sont entrés dans sa bouche et tapissent sa gorge serrée.
Un silence ponctué par les basses lointaines de la techno molle et par le souffle de plus en plus ralenti de Vera.
« C’est bien mon loup. Maintenant, casse-toi, et va faire ton job. Passe à la salle de bain avant. Lave-toi la gueule, la bouche, tout ce que tu veux. Je compte sur toi. RAUS ! »
Titubant légèrement, Polo passe son visage sous le jet frais du robinet du cabinet de toilette. Il frotte vigoureusement la peau avant de se sécher et de sortir. Il ne prend plus garde aux danseurs nus. La musique est un bruit lointain. La lumière orange du jour à son zénith lui explose les yeux.
Dès demain, il réunira ses hommes de main pour attraper toutes ses putes et les envoyer dans les quartiers-sud.
A suivre…

Les silhouettes fantomatiques non-genrées (Nouvelle en cours d'écriture)

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