Vinaigre de cyprine tiède



Les routes ruinent les parterres d'herbes cramées, la silhouette lourde des passants, les corps fourbus dans une gélatine d'air chauffé à blanc. Bien... Polo. Bien Polo avance et tente de rattraper sa voiture garée dans le terrain vague. Son visage pue la vulve de Vera, vinaigre de cyprine tiède. Dans le dédale de ses pensées, il revoit l'être qu'il fut, devant le miroir, les cheveux lisses tirés par la brosse. Les produits de beauté, la peur au ventre. 

A la radio: "Que ceux qui ne feront pas le bon choix sachent que nous feront ce choix à leur place". 

Il dégage les tubes vides de Prograf, de Prednisone et de Prednisolone. Vera le hante. Il secoue la tête pour effacer cette Lucifer, ses chicots de prédateur, son sourire de ténèbres qui s'effondrent. Bousillé. Torturé. Il démarre. Le moteur gronde. La bête de sport, la fusée traçant sur l'autoroute déserte. Tout juste quelques voitures de flics toutes sirènes hurlantes à contre-sens. La sueur sur son front, le vent bouillant tournoyant dans l'habitacle. Le sourire de Vera. La mâchoire affamée de sexe. Il lui faut rouler une heure pour rejoindre le QG. Un hangar de deux milles mètres-carré. Il se gare sur la place estampillée "PDG". En descendant, il cale une clope entre ses lèvres. Le briquet galère à s'allumer. Deux de ses gars en combinaisons coupe militaire tout en latex noir scintillant sous les flèches du cagnard-assassin. 

Ils le saluent, bras droit tendu, index et auriculaire en l'air. Leurs visages émaciés disent violence, affirment massacre, crient au meurtre. "Salut les mecs". 

Le hangar immense et ses milliers de cabines en tissu blanc de chacune desquelles s'élèvent des cris, des insultes, des râles, des suppliques et des supplices. L'allée centrale est surveillée par une dizaine de ses hommes en latex. Armés de sabres, mains gantées de velours noir. Tous le saluent à son passage. Il leur ordonne "Repos". Il lui faut cinq bonnes minutes pour rejoindre la salle des ordinateurs. Ils turbinent, pompant, crachant les algorithmes à la vitesse de la fin des temps. Il est temps de rebooter. La roue doit tourner. Il s'installe dans son large fauteuil de chef et pianote, entre les codes, et "enter". 

Dans le hangar les cris, les grognements se muent en hurlements. Ses hommes ont reçu l'ordre. Ils ordonnent: "Sortez! On dégage! Dehors! Tout le monde dehors! Sur le parking! Plus vite que ça". 

Quelques sons brefs de lames tranchant chairs et os. Polo ferme les yeux. Revoit son visage dans le miroir, ses cheveux qu'il soulève en chignon. Une touche de rouge à lèvres.

A la radio: "Le progressisme apportera la paix à toute l'Humanité". 

A suivre... 

Les silhouettes fantomatiques non-genrées (Nouvelle en cours d'écriture)

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