Ecrire, c'est brûler le lecteur



J'ai lu ici et là que mon dernier livre était trop cher. Ok, mais j'ai aussi constaté que ceux qui faisaient ce reproche n'avaient jamais acheté aucun de mes livres qui eux coûtent peu ou pas chers et qui sont même parfois gratuits dans leur version numérique.

Ce qui serait un peu plus honnête de leur part, c'est de me dire qu'ils n'en ont strictement rien à foutre de mes écrits, qu'ils restent dans mes contacts uniquement parce que j'écris des statuts marrants ou en colère ou zarbs. Certains d'entre eux vont jusqu'à me traiter de pute quand je fais la promo de mes livres comme si eux-mêmes quand ils vont chercher leur salaire n'étaient pas autre chose que des putes (puisqu'il est bon de retourner "l'argument" à son détracteur). J'en vois qui invoque le manque d'argent mais qui, lorsqu'on regarde leur compte, se paient des voyages, des restos, des babioles et autres tralala de la consommation.

La lecture, c'est comme Arte: la chaîne préférée des français qui ne la regardent jamais. Ils kiffent souvent les écrivains, les livres mais hors de question d'en acheter. En fait ils lisent des bouquins tous les 150 ans, sont complètement lobotomisés par les écrans: jeux, réseaux sociaux, Netflix, télé, applis de commande de vomi livré à domicile.

On me reproche d'employer un ton trop rude ou âpre voire agressif alors qu'en fait je ne mets juste pas de filtres, je n'enjolive pas, je ne caresse pas dans le sens du poil. Toute la journée, beaucoup de gens veulent qu'on les caresse dans le sens du poil, comme des bons chien-chiens. Ce que font les politiques de tous bords mais aussi les artistes. Ces derniers veulent se faire aimer, donc ils concèdent un peu de leur liberté de penser pour flatter la piétaille qui achète leurs œuvres.

Il y a un an, j'ai écrit une chronique quotidienne sur les gilets jaunes. J'y déployais des idées souvent contradictoires, des émotions diverses allant de la colère à la compréhension. Ce n'était pas la bonne méthode. Des éditeurs y ont vu des écrits trop peu compréhensibles par les lecteurs. Et des lecteurs y ont vu un esprit brouillon et chaotique. En réalité, c'était tout le contraire. Ce mouvement était multiforme, discutable autant que défendable. Il mêlait des idéologies contradictoires, des actions paradoxales. Je n'ai fait qu'exprimer la réalité de cette révolte, son caractère multiforme, parfois délirant parfois hyper rationnel. C'est ma façon d'écrire. J'écris le monde comme il est: non linéaire, sans logique, chaotique, juste et injuste à la fois, pacifié et violent en même temps, dénué d'intelligence et imprégné de génie. C'est ça que je jette dans mes livres: la variabilité continuelle de toute chose. Je ne fais que traduire ce que nous vivons tous à notre échelle. Ainsi un individu, face à un choc, passe par plusieurs phases: déni, colère, dépression, puis extinction ou alors renaissance. Personne n'y échappe. Dans le chaos, c'est ce cycle psychique commun que j'aime écrire et extraire des personnages qui trahissent cette logique commune.

Le roman que je réécris actuellement est posé sur une histoire assez simple, des errements psychiques comme j'aime exposer. Dans chaque être, il y a une force de destruction tapie dans l'ombre, une bête féroce qui peut jaillir à tout moment. L'histoire, on s'en fout. Ce qui compte, c'est l'animosité de l'être.

Exemple: on est souvent plus tenté par une forme de collaboration ou de résistance passive plus qu'active. C'est lié à un mécanisme de survie contre lequel on ne peut pas vraiment lutter.

Bref. Dans ce roman, je n'arrondis pas les angles, je laisse la folie imprégner le récit, je laisse l'entièreté de l'être se déployer quitte à proposer un roman âpre, parfois dur, mais tartiné d'émotions multiples et souvent contradictoires. C'est exactement ce que ne veulent pas la plupart des lecteurs. Ils veulent des personnages identifiables et identifiés avec ou non de la folie. Ils recherchent ce qu'ils sont: un tourbillon de préjugés. L'autre est la définition que l'on en donne via son propre esprit. Mes personnages sont eux complètement développés à la vue du lecteur. Ce que ce dernier voudrait, c'est comprendre. Mais en me lisant, il ne comprend pas tout et ça peut le frustrer. C'est pourtant ce qu'il vit chaque jour quand il ne comprend pas ou plus untel qui s'est comporté comme ci ou comme ça face une situation donnée et qui "semblait ne pas être comme ça, c'est pas comme ça que je le voyait".

Bref. Fin du laïus. Ceci est un entrainement. Un écrivain doit toujours s'échauffer avant de reprendre l'écriture de son livre en cours.

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