Vous n'avez vraiment rien à vous reprocher ? En êtes-vous certain ?


La mode est au suicide existentiel, au sabotage de la vie, à l'auto-mutilation morale et intellectuelle. Car 95% des gens ne savent pas et ne comprennent pas ce qu'est l'usage qui est fait de leurs données sur le web et particulièrement sur les réseaux sociaux. Et il n'est pas besoin d'accuser les jeunes d'être trop cons. Tout le monde l'est. Au moins les plus jeunes progénitures en âge de se connecter ont des circonstances atténuantes. Elles ne sont pas finies intellectuellement (l'est-on un jour d'ailleurs ?), du moins en pleine croissance neuronale. Sans doute également ont-elles des parents pas suffisamment armés et formés à comprendre ce que sont les données personnelles et leurs usages commerciaux, politiques et criminels. Comment voulez-vous éduquer correctement un enfant sur ce point si vous-même, vous n'êtes qu'à l'état larvaire de la culture numérique ? 


On parle beaucoup du crédit social à la chinoise mais en réalité ce principe, cette méthode existait avant tout en Occident et ce bien avant l'avènement d'internet. Ainsi le traitement de vos données bancaires par les banques elles-mêmes et pour le bénéfice de l'état, d'organisations mafieuses ou de multinationales, date  de la fin de la seconde guerre mondiale et même de plus loin encore. Le numérique et les méta-données ont eu surtout pour effet d'accélérer, optimiser et généraliser ces pratiques. 


Le crédit social existe chez nous, de façon plus insidieuse et perverse que dans une démocrature russe ou une dictature chinoise ou coréenne. Nos données sont légalement utilisées par la justice, la police, etc. La loi renseignement votée sous Hollande ou le Cloud Act mis en place sous Trump en sont deux exemples parmi tant d'autres. 


 « Je m'en fous, je n'ai rien à me reprocher  », entend-on partout. Comme si chacun était fier de livrer toute sa vie, son intimité sur la place publique. À ce compte-là, pourquoi ferme-t-on la porte des toilettes plutôt que de la laisser ouverte ? Parce qu'on a quelque chose à cacher ? Pas vraiment. Ou peut-être. La plupart du temps, nous y allons pour chier ou pisser non ? On cache, du moins on limite la diffusion de l'odeur de sa propre merde. Mais quid de celle-ci quand on cague dans un bar et qu'un ou une inconnue prend votre suite pour faire ses propres besoins ? Aux toilettes, certains s'y branlent, d'autres y dégueulent. Il y en a certains qui changent leur serviette hygiénique, d'autres qui se prennent en photo à poil pour le compte d'un amant ou d'une maîtresse via SMS ou messenger. Certains y dessinent des bites ou insultent quelqu'un sur les murs quand d'autres collent des autocollants publicitaires sur ces mêmes murs. Certains réajustent leur collant ou leur slip rentré dans la raie des fesses, se remaquillent, snifent un rail de coke. Certains y lisent des livres, d'autres y continuent leur partie de War of branlator. On a aussi ceux qui vont y baiser à la sauvette, qui se lavent les mains dans la flotte de la cuvette. Sans doute y a-t-il ceux qui récupèrent des poils pubiens pour les renifler en se branlant, d'autres qui regardent hagards le mur qui leur fait face. Dans les chiottes, de jolis garçons et filles en apparence se passent les doigts sur l'appareil génital pour en sentir cette odeur de pisse et d'infection juteuse du fait d'une hygiène douteuse ou d'une longue journée à transpirer ou à mouiller/bander sur un collègue au bureau. Dans les toilettes, il y a aussi ceux qui écrivent en douce des messages à leurs amant(e)s, qui admirent bêtement les motifs sur un rouleau de pq, et il y a ceux qui vérifient la taille de leur queue, le format de leur clito, ou qui se lèchent les doigts pour connaître ou apprécier la saveur de leur pisse ou de leur merde (ou les deux). 


Pour autant, personne n'a rien à se reprocher mais à l'instar de notre intimité digne ou honteuse dans les chiottes, nous avons toujours quelque chose qu'on ne veut montrer à personne ou cacher à quelques-uns. C'est ça l'intimité. C'est ça la précieuse vie privée. C'est aussi une liberté (les chiottes ou le lieu où l'on est censé faire ses besoins) contemporaine. Or nos données personnelles ont toujours leur part d'ombre. Personne n'est totalement noir ou blanc. C'est soit hypocrite soit débile d'affirmer le contraire. 


Nos données personnelles sur le Web sont notre vie, nos secrets, nos angoisses, nos obsessions, notre beaufitude ou notre snobitude, notre solitude et nos certitudes. 


Voyez-vous, personne n'est à l'abri d'être pourri par ses propres secrets ou simplement ses propres pratiques. 


Un exemple : savez-vous par exemple, que jusqu'à la Loi de protection européenne RGPD en 2018, vos données sur Doctolib pouvaient être utilisées contre vous dans un brouillard juridique total ? J'explique : ce site était, comme tous les sites, syphonné par des sociétés américaines ou autres dont c'est le métier est de choper des données. Ces données sont revendues à des compagnies d'assurance ou de crédit. Il se trouve que vous avez un rendez-vous régulier à prendre chez un cardiologue. Disons 2 fois par an. Qui voit un cardiologue avec une telle intensité ? Tout le monde ? Non. Seulement des personnes qui, à priori souffrent du cœur. Les données sont traitées. Une liste noire de ceux qui ont des rendez-vous réguliers chez le cardiologue. La société bancaire ou d'assurance a acheté ces données. La personne, admettons qu'elle a 30 ans, petit job en CDI bien payé, une vie rangée, un conjoint, un chien, un enfant et une passion pour la lecture et pour la poterie. Vote Modem. Pas de casier judiciaire. Traverse quand le bonhomme est vert. Pas un point de permis retiré. Peut-être un vice : la pâtisserie et les films avec des serial killers sur Netflix. Bref rien de bien méchant. "Rien à se reprocher alors je m'en fous." Hein. Seul hic. Cette personne a une légère malformation cardiaque qui nécessite un bilan bi-annuel surtout que l'on sait qu'il y a des antécédents familiaux. Un jour, monsieur-n'a-rien-à-se-reprocher a pour projet d'acheter un appartement. Son rêve. Le rêve de tout citoyen lambda de classe moyenne. Rendez-vous dans une ou plusieurs agences bancaires pour réaliser un emprunt légèrement supérieur à 35% de ses revenus. On ne chipote pas généralement et on accorde un prêt dérogatoire à 95% des personnes dans le même cas que lui. Mais pas de chance, on lui refuse à lui. Avec des motifs fumeux. En réalité, ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il est sur cette fameuse liste noire achetée par les établissements bancaires aux sociétés syphonneuses de données… fin de la démonstration. Je pourrais multiplier les exemples d'un usage des données personnelles qui ont des conséquences très fâcheuses sur la vie de chacun. 


On entre donc chez vous (avec votre accord tacite) et pire on vous reluque dans vos chiottes et votre salle de bain. 


C'est ça le monde dans lequel vous vivez. À tous les échelons de votre vie. La moindre des choses est de vérifier que la porte de vos toilettes est bien fermée et qu'une caméra n'a pas été dissimulée au plafond ou dans la cuvette (ou la poignée de la porte, on ne pense jamais assez à la poignée de la porte…). Si en revanche, vous assumez pleinement tout ça et que ça vous plaît, vous excite ou vous indiffère qu'on vous regarde pousser pour extraire un colombin, alors bien vous en fasse. 


En revanche, si vous avez des gosses, merci de les éduquer en conséquence. Non leur interdire d'aller aux chiottes publiques ou privées mais de bien fermer la porte à clef pour qu'ils aient une chance à l'avenir de ne pas avoir à supporter leurs pratiques passées… 




 

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