Sous les ordres du « Président du Peuple »

Le check-point est fait de bric et de broc, des planches, des carcasses de voitures, des déchets de frigos, lave-vaisselles et cuisinière, des blocs de bétons et des troncs d’arbre . Deux petits hommes trapus en treillis délavés tiennent fermement leurs Kalach en mâchant du chewing-gum. En s’arrêtant, la voiture secoue les passagers, ses deux roues entravées dans un immense nid de poule rempli d’eau boueuse. Le milicien s’approche, le regard noir, la mâchoire crispée. Ces hommes appartiennent à la Junte C0 –pour Croissance Zéro- sous les ordres du « Président du Peuple », Mehdi Sanchez.

« Papiers ! »

Ils tendent leurs cartes d’identité. Contrôle. Le regard devient moins sombre, plus avenant :

« Vous v’nez faire quoi chez nous ?

- Je dois livrer le Président. Une commande de mortier. 

- Bienvenue… C’est ta fille ?

- Ma femme. 

- Elle est bien jeune pour toi.

- Elles sont jamais assez jeunes. J’le vois à ton œil, soldat. 

- C’est vrai que ça fait pas d’mal. Elle a quoi avec sa gueule toute défoncée ?

- Un accident.

- De bagnole ?

- De chantier… disons…

- Elle attend un chiard ?

- Yep.

- Devenir papa à notre époque, c’est un truc de con. 

- On choisit pas… »

Il s’écarte. Elle le fusille du regard. La voiture s’extirpe difficilement du nid de poule. La barrière s’ouvre. La route défoncée leur fait face. Elle est en cours de réparation. Des centaines d’hommes et de femmes aux corps couverts de boue s’éreintent à remplir les trous à la pelle avec un goudron lourd et visqueux. Plus loin, la ville de Neuval, capitale du territoire, s’étend sur les quatre collines sombres se dessinant sur un ciel orageux.

Extrait de « Reine-Mère », nouvelle en cours d’écriture.