Ressembler à une torture perpétuelle





Le niveau de détestation réciproque ne présageait rien de bon. Cabossé, je rentrais du “front”, encore exalté mais déjà baffé par une mélancolie frôlant la déprime. Je me répétais chaque jour que la fin du monde était imminente sans trop me rendre compte de ce que cela signifiait vraiment. Je me pensais assez fort pour résister à la faim, au froid, à une vie de survie. J'en étais loin, très loin, les émissions de télé où des tarés en mal de sensations allaient jouer les Robinson pendant quelques semaines ne disaient rien du malheur… Je savais ouvrir une boîte de thon, cuire des pâtes, vivre sans me laver plusieurs jours, mais je ne savais pas que même pour chier, j'allais morfler. L'eau courante deviendrait eau croupie. La vie, après la lourde crise qui s'étala sur plus de dix ans avant que tout s'effondre faute de munitions, allait ressembler à une torture perpétuelle, un peu comme si l'on était assis sur la banquette arrière d'une voiture lancée à pleine vitesse, sans chauffeur, fenêtres ouvertes par temps de blizzard. Le borgne que j'étais recouvra la vue et vit son corps réduit à l'état de carcasse malingre.

Mon Usine 2. A suivre…

Commentaires

Articles les plus consultés