Les mots dans le dos, les poignards et les lâchetés
“T'as vu comme il est mauvais ?”
“Je sais pas pour qui il se prend” “Il paraît qu'il bat sa meuf” “T'as pas
remarqué qu'il portait toujours les mêmes fringues alors qu'Anne l'a vu dans
une grosse Audi ?” “Moi je n’aime pas dire du mal des gens mais lui je l'aime
pas, il dit tout juste bonjour, comme s'il se la pétait”...
Les mots dans le dos, les
poignards et les lâchetés, les cerveaux disponibles pour la médisance, les
pensées infestées de préjugés, les coups bas, les baveuses et les baveurs, les
lâches, les je vous le dis droit dans les yeux, les destructions en cercles concentriques…
tout le monde parlait sur tout le monde, tout le monde haïssait dans l'autre ce
qu'il était. Les gens jouissaient des petits scandales, des bruits de couloirs,
des interprétations foireuses. Tout s'effondrait mais ce qui comptait c'était le
collègue qui cirait les pompes aux chefaillons, les autres qui baisaient avec
machin ou machine, celui qui possédait telle voiture, qui prenait l'avion pour
telle destination. Décharge de selfies, autoportraits de fantômes en viande et
en cartilage. Systèmes nerveux vautrés dans les pleins phares des notifications
se cassant la gueule comme des milliers de pièces gagnées à la machine à sous.
À l'avant du bateau, le vent
violent et chaud pixelise l'horizon. Nous approchons des côtes. Les soldats
s'activent, nettoient leurs armes… Notre monstre de croisière, ville flottante,
îlot de vie sur une Terre qui boit la tasse. Un combattant fume sa cigarette en
murmurant à un autre : “Les cales sont vides, on va refaire le plein”.
La ville côtière rongée par les
eaux fut une capitale régionale sud-américaine. Son cadavre de béton, d'acier
et de bitume ressemble à une vilaine dentition. Nous nous dirigeons lentement
vers une petite baie bordée d'immeubles jaillissant des flots. Des volutes de
fumée ici et là indiquent la présence de survivants.
Mon Usine 2
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