Les cadavres sont balancés par-dessus bord
Tandis que les combats font rage,
je savoure un verre d'eau devant le hublot de la cabine. J'ai fait le ménage, j'ai
rangé son linge, nettoyé la petite vaisselle et fait les lits superposés.
J'aperçois le sommet des crânes sur l’un des ponts inférieurs. Certains sont en
repos. Les esclaves de base, les troisièmes classes comme on les appelle sont
traités comme des chiens errants. Beaucoup ne résistent pas, souffrant de
malnutrition chronique et de maladie. Les cadavres sont balancés par-dessus
bord.
Parfois, en pleine mer, quand
nous sommes suffisamment éloignés des côtes, des dauphins viennent nager le
long de la coque. Des mouettes tournoient toute la journée au-dessus de nous.
Mais ici, la nature est plus présente. La ville en ruines est envahie par les
jeunes arbres, les herbes, les mousses,...
Des oiseaux encore assez rares sont
pourtant là, brisant le silence de mort. La nature reprend ses droits, se
refait une santé tant bien que mal même si le délire du climat planétaire ne
laisse que peu de chance au retour de la vie. Nous souffrons de chaleurs
extrêmes, de tempêtes monstrueuses transformant notre monstre marin en barque
frêle défoncée par les vagues géantes. Tout le monde dégueule, s'accroche,
s'harnache aux tuyaux, aux pieds fixés des tables et des bancs. Il est arrivé
que certains soient emportés par une vague scélérate, même sur les ponts
supérieurs.
C'est notre première escale dans
la zone dite tropicale. Le niveau d'humidité est tel qu'on a l'impression
d'être en train de cuire à la vapeur. Nous dévalerons sur deux ou trois villes
encore émergées du continent sud-américain avant de descendre beaucoup plus au
sud vers les côtes désormais déneigées de l'Antarctique. Là-bas la fraîcheur
des nuits et les températures supportables du jour baisseront la tension entre
les résidents et les esclaves.
On nous dit pourtant que là-bas,
le danger est bien pire que sur les mers et côtes des ex zones tempérées, des
tropiques et de l'équateur.
Mes doigts sont enflés à
l'extrême. Mes yeux roulent dans une flaque de larmes.
Mon Usine 2.
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