Je les réduis à l'état d'esclaves.


Je regarde le compteur. Mes yeux voient défiler les chiffres. Derrière ces chiffres, c'est pas du joli-joli, c'est pas forcément de la bonne qualité. Leurs yeux se déposent sur les mots. Ils pensent lire de la fiction, ils pensent entrer dans un pur exercice littéraire, les gorges déployées pour ingurgiter l'air chargé de métaux lourds. Leurs yeux se déposent sur les mots. Je clique sur X, une décharge électrique secoue la tablette et le clavier. Elle est prête, excitée, en chaleur. Elle attend sa pitance, son flot de mots... Ils sont derrière leurs écrans, leurs yeux se déposent sur les mots en direct. Ils pensent lire une fiction... Ils lisent en fait la partie incurvée de leur réalité. Les mots s'alignent, le compteur est à bloc, les chiffres se succèdent à un rythme frénétique, je n'ai plus qu'à dire, écrire ce que bon me semble, pisser mon dégoût, livrer les ossements des gosses au bûcher, ça défile, l'écriture se veut plus folle, je produis, leurs yeux sortent peu à peu de leurs orbites, le compteur défile, ils lisent, ils pensent que c'est une fiction, je viole leur psyché, je les réduis à l'état d'esclaves, le compteur défile encore, les petits beats légers me font tressauter, mes mains vont enfler, mes doigts crispés vont s'immobiliser sur le clavier.........
....... Les mots sont lus à la vitesse de leur gourmandise... Le compteur ralentit peu à peu puis plus brutalement... Ils meurent les uns après les autres, par centaines... Le compteur s'arrête......
....... Je retire brutalement mes doigts du clavier brûlant... J'ai terminé. Ce que leurs yeux ont lu les ont réduits à l'état de cadavres. Dans mon Usine, la langue râpeuse du temps qui passe se charge de les lécher jusqu'à la mort...

 

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