J'ordonne la paix et je suggère la guerre

 

Insolo Veritas

On m'a dit de ne pas me plaindre, on m'a même dit de ne pas pleurer parce que je suis un homme. J'ai suivi les instructions. J'ai obéi. Je me suis conformé. Avant de m'effondrer en larmes, dégringoler dans les escaliers pleins de toiles d'araignées de la cave. M'échouer comme une épave, cœur palpitant, sur le tas de pommes de terre. Comme je l'ai déjà dit, pour détruire le chaos il faut créer un autre chaos, à l'instar d'un pare-feu. 

Je sais, ce n'était pas bien de brûler des épines de pins dans cette forêt d'eucalyptus et d'épineux dans les terres intérieures d'un vallon de Corse. Et je sais que c'était mal de tabasser le chat de la voisine dans le buisson piquant de la rue des Genêts. Tout comme je sais que ce n'était pas mieux de picorer des chattes tandis que l'une qui m'aimait se confondait en larmes sous la couette de notre lit trop petit. 

Je sais aussi que c'était lâche et hypocrite de brailler contre la famine dans le monde tout en me faisant sucer dans les chiottes d'une boîte par une strip-teaseuse à qui j'avais payé quelques rails de cocaïne. 

J'ai toujours lutté par les mots contre la souffrance que les Hommes infligeaient à d'autres Hommes, me pavanant des heures dans un lit puant avec des midinettes assoiffées de luxe. Je ne peux que m'incliner devant les soucoupes volantes, les œuvres de bienfaisance et les croyants imprégnés par l'art de supplier leurs dieux. 

Dans la douce nuit, ce milieu de nuit où il ne reste plus grand chose à dormir, je savoure les battements de mon cœur qui me font oublier tout ce luxe. 

Je sais qu'il ne faut pas se battre et être violent. Et pourtant, qu'ai-je été d'autre qu'un terrible barbare ? 

Tu me diras que je ne suis sans doute pas meilleur aujourd'hui. Ça n'est pas faux. J'ai accès à un confort disproportionné en comparaison des conditions de vie des êtres humains qui peuplent la Terre. À défaut d'être meilleur, je suis plus efficace. On pourrait arguer que je suis mégalo mais je l'affirme, j'allume le soleil chaque matin, je l'éteins le soir. Je perche la Lune et la couvre d'un cercle noir afin qu'elle ressemble à un croissant. J'importe les nuages et la pluie, j'amène les rivières depuis leur source, je sème les terres de compost et de fumier, j'ordonne la paix et je suggère la guerre.

Work in progress avec l’artiste Insolo Veritas.
À paraître prochainement.

Suite introduite dans le roman Reine-mère. 


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