Les parents sont adoptés par leurs enfants

 

Insolo veritas


Je regarde la colère…
Celle du type qui accélère sur le passage pour piétons,
Celle de cette femme qui a la voix qui se crispe « C’est pas contre vous que je dis ça »
La colère du chien qui bave en aboyant,
La colère du militaire qui tire une autre balle sur l’ennemi qu’il a tué.
La colère salutaire, la colère inopportune, la colère noire, la colère blanche.
La colère sale, la colère propre…
Mes doigts sont moites, mes membres tremblent.
Je me suis ouvert le crâne en explosant cette fenêtre.
J’ai vécu la folie dite passagère qui s’est prolongée.
Je suis allé trop loin,
Mes forces ont décuplé et la route fut longue,
La noirceur épaisse qui m’entourait,
La toile visqueuse contre mes yeux,,
La colère était folie,
La colère était destructrice,
La colère s’est estompée pour devenir tristesse,
Se muant en remords,
S’éternisant dans un torrent d’orgueil,
Pour étouffer la honte,
Pour nier les ravages,
Pour oublier le saccage.
Les parents sont adoptés par leurs enfants,
Les parents ne décident pas,
Les parents subissent… Je crois.
C’est ce qui a fait tomber la colère.
Le souvenir de leurs dépouilles,
De ces traits crispés en arrière,
La peau cireuse et les cheveux bien coiffés.
La colère m’a pris quand ils sont partis,
Je ne pouvais plus les élever,
Je ne pouvais plus les guider,
Je ne pouvais même plus les faire grandir.
Alors la colère et sa sempiternelle débâcle,
Ses dommages collatéraux,
Ses conséquences sur la pensée,
Sur les organes,
Sur la couleur et la texture de sa propre merde.
La colère que l’on vomit après l’avoir circonscrite.
Ma colère a duré des années, sans relâche,
Dégobillant les nuits, les transformant en irruptions nocturnes brûlantes,
Terrassant mes jours, les chambardant au point d’en faire des batailles incessantes.
Plus rien d’autre n’existait que la haine, le désir d’altérer,
Le besoin de découronner le dernier des manants,
La soif de dévaster, d’ensevelir, de foudroyer,
La rage au point de faire rompre sous mes doigts les os des passants.
Pour que finalement elle cesse,
S’agenouille et se retire comme elle était venue.
Cette colère n’a que trop vécu,
Elle s’en est allée,
Me laissant mentalement démembré dans cette maison-vie évidée,
Mais calme, serein, enlacé par une quiétude amère préférable à cette putain de colère.
Work in progress avec l’artiste Insolo Veritas


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