Souffrances de pays riche

 

Dystophotographie
Collage : Dysto-Photographie 

Je ne donne pas cher de nos vies. Non que je ne sois pas conscient que chacun doit de toute façon passer l'arme à gauche un jour, mais je sais, même si c'est un peu arrogant de le dire, sans doute un peu hautain, nous ne sommes rien que des pauvres parasites égocentriques et sur-gavés ici en Occident, cet empire qui se rejoue sans cesse la farce du déclin tout en continuant jusqu'au dégueulis à anéantir, pervertir, se focaliser sur ses rayons de PQ et ses pauvres considerations d'oies élevées en batterie.

Il n'y a pas de colère dans ce monde auquel je participe pleinement. Je suis comme vous un collabo de tout ce que je critique. Je me repais de mes propres complaintes, mes fins du mois le 5 ou le 10 ou le 15 de ce mois, sous un tas de paperasse, pris en charge par une sécurité sociale, jamais pillé, à peine cambriolé, peut-être violé, assassiné, trahi, mais jamais affamé, non jamais, toujours pris en charge, noyé dans mes souffrances de pays riche, sans vraiment me soucier du pire. Car je connais le pire, je sais le pire, je vois le pire, je pleurs le pire, je m'offusque du pire mais à part mettre trois paquets de sucre, de riz, de farine et un litre d'huile dans un caddie à la sortie d'un supermarché, à part mes pauvres petites actions associatives de bon petit post-catho qui rachète son salut à coups de grands discours, je ne fais rien, je me plains, je me plais au fond dans la forteresse Occident. Rien, quand je me donne la peine de prendre de la hauteur, n'est noble, grand, tout est petit, minuscule, microscopique. Tout est du vent, de la fiente habillée en discours conscient, mais ça n'est rien d'autre qu'un cul qu'on torche nommé parole. Rien, personne. Tout est vain, tout est nul. Ce monde est nul. Et si l'on donnait tous ces privilèges de saccageur à ceux que l'on saccage pour pleurnicher sur notre sort, et bien ils feraient pareils. Les chinois le font, les indiens le font, les africains le feraient.

Au fond, voilà ce que je veux dire. Je suis du bon côté de la barrière. Je n'aime pas les guerres ailleurs dès lors qu'elles semblent se rapprocher de moi et me mettre dans une merde sans nom comme tous ceux qui n'ont pas ces larmes de crocodile du "j'arrive pas à boucler mes fins de mois". Car ils n'ont ni début ni fin de mois. Ils n'ont rien. Et si je leur donnais ma misère d'ici, ils se sentiraient immensément riches. Et puis ils oublieraient en quelques décennies et deviendraient aussi cons qu'ici bas en Occident. Ils se plaindraient pour les uns que les autres soient trop riches ou ils mépriseraient ceux qui ne le sont pas assez et qui menacent le coffre-fort.

Décidément il n'y a rien à faire ici sinon partir avec force, faire exploser ce qui peut l'être et s'en foutre, s'en battre et cesser, cesser, cesser... Et écrire des textes pathétiques publiés comme celui-ci sur les réseaux sociaux. Pour que les nazes parlent aux nazes. Que les nazes partagent les nazes. Que les nazes dans un éclair de lucidité grotesque disent: "ah ouais c'est vrai ce que tu dis". Ou "tu exagères. C'est faux." Avant de retourner sur son bateau de croisière Occident qui tangue et broie les barques pourries de ceux qui aimeraient ou y grimper ou le pirater.


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