Vos cancers coûtent cher - Presqu'Il 5

 

Ce mur n'est fait que de vos os taillés en briques. D'une guerre à une autre, vous vous allongez dans une zone de paix, le donjon d'une forteresse technologique. Vous avez le temps des encerclés gavés de vins, de victuailles et de consoles de jeux… ou de jouir ou tout ça à la fois. Tant que ça tient, vous vous vantez ou à contrario, vous déprimez…

Nombrils immenses, miroirs infinis dans le reflet des vitrines, dans la maison close des salles de bain, dans l'agitation des millions de personnes pixels, dans le reflet d'une flaque trouble recrachée par les égouts, vos chiottes, au petit matin. Vos cancers coûtent 1000 fois plus chers que ceux d'ailleurs qui ne peuvent les soigner.

Qu'on le veuille ou non, dans l'Empire, les murailles prennent les premiers coups, les secousses telluriques, les pyramides de caddies, de crédits, de discours insipides sur l'usage que l'on fait de sa bite, de sa chatte, de sa gorge et de tout autre orifice.

Sur la planète des vivants, chez ceux où l'on sait encore que l'on meurt, chez ceux qui n'ont que dieu pour donner du sens à la misère et la souffrance, ici entre les murailles, nous ne sommes que des morts vivants, des zombies effectifs se flattant de diplômes d'école de commerce, de miroir ô miroir suis-je la plus belle ou la plus fiel, de photos de pieds dorant au soleil sur la plage, de jolis plats hors de prix, de médocs, d'alcool, de drogue, de sport et de films porno ou de godes, de littérature passée ou de livres sur les régimes, sur les vagues à surfer, sur les artistes célèbres et sur les recettes de brownies.

On est morts en étant vivants. Du vous, je dis on, pour finir par dire je. Je suis un valeureux lâche, un courageux d'un monde en paix archi protégé par des ogives nucléaires, des porte-avions, des coalitions, des agences de notation, des sites de rencontre et des mesures barrières, des orientations politiques bidon, une couette, une bouteille de vin et au lit... Pour que demain, sans que rien ne bouge fondamentalement dans ma vie, je regarde le reste du monde me menacer, moi qui vis dans une forteresse…