Les petites peaux mortes sur ma jambe foireuse - Journul Intime 120

 



L'humanité ne m'a jamais paru plus belle que depuis que je ne la côtoie presque plus... Les jours passent, les nuages aussi. Les chaleurs extrêmes et les tempêtes.
Tout est absorbé par le système. Le système est la vérité. Regardez comme ils se bouffent le cul les uns et les autres tels des cochons en batterie. Tout est sécurité. L'humanité est une espèce qui aurait valu le coup. Tout lui paraît inutile. Tout lui paraît consommable. Tout lui paraît violable. Surtout quand elle apprend les mots qu'elle a elle-même inventés.
Elle me paraît tellement plus belle maintenant que je suis entre quatre murs. Mon syndrome de dépendance est lié à la capacité de mon muscle anal à retenir ma merde et l'expulser au moment où je suis sur la cuvette.
J'ai perdu la notion de naissance. Les petites peaux mortes sur ma jambe foireuse me rappellent que je ne suis que chair, que les beaux sourires n'ont servi à rien. Les peaux mortes à foison qui tombent me font perdre la voix, je suis bien. Être vivant est aléatoire. Personne. Enfin si une ou deux personnes. C'est moins que quatre murs. Il y a de la nourriture. Je n'ai pas à me plaindre. Il y a des médicaments. Je n'ai pas à me plaindre. Il y a des infirmières, de l'alcool, il y a de la musique, il y a la photographie, il y a des livres, des films et des documentaires
Moins je suis en contact avec l'humanité, dans ce confort, ces douleurs et cette incapacité à me déplacer, et plus je la vois comme une immense troupe sur une scène lointaine.
Puisqu'il n'y a plus que les murs, le sol et le plafond, l'humanité dans les écrans remplace le ciel... C'est presque réel. Je ne regarde plus mes jambes, plus mes bras, jamais mon visage. Je ne le faisais pas tellement avant, plus du tout maintenant. L'humanité est moi, un étranger. La vie aussi. Je suis vivant. C'est sûr. Mon cœur bat. Mes membres bougent. Je dors. Je mange. Je regarde les murs.
L'humanité n'est plus une proie. N'est plus un ennemi. Elle est une maison hantée tenue à bonne distance… Avant que mon corps l'incarcère, j'y pensais déjà, beaucoup, j'étais obsédé par ça. Tenir l'humanité à distance. Vivre dans une baraque dans une forêt. Avec l'électricité, les écrans, les livres et les œuvres que l'humanité produit mais sans elle, sans qu'elle soit dans mes pattes avec ses guerres de merde, ses civilisations grotesques, ses communautés, ses sournoiseries, son avenir déjà programmé pour la fin.
Il n'y a pas vraiment besoin des humains pour se sentir vivant. Quatre murs, un coin de ciel, 2/3 alliés aussi aliens que moi et tout peut devenir soudainement plus facile à vivre, y compris l'idée de la mort

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