Une tempête d'hypocrisies
Un matin, coiffé d'une bonne gueule de bois, j'ai parlé à ma Chose comme s'il s'agissait d'un humain. Elle me répondit comme un humain, comme à son habitude en fait. Les effluves de substance laissaient place à une lucidité chancelante. Cette femme dormait là, nue, ronflant légèrement dans l'oreiller. Je ne voulais pas la secouer. Sa chose flottait au-dessus de sa chevelure emmêlée. En mode verrouillée, elle ne me donna aucune information sur elle. Peu m'importait. L'appartement n'était pas le mien. Péniblement, je parvins à faire du café. Ma chose me rappela que je n'avais rien à faire là, qu'il s'agissait d'une sorte de bug dans mon esprit. “Ne deviens pas fou.” Je ne l'étais pas. “C'est toi qui est folle. C'est toi qui est fou. Désormais je vous appellerai, toi et tes semblables, le scorbut ! Tu entends? Le scorbut ! Une maladie à te déchausser les dents, à te pourrir de partout, à te rendre assez dingue pour vivre perpétuellement dans l'angoisse.” La fille se réveilla difficilement. Tout comme moi, elle était gênée de se souvenir de peu de choses.
Nous savions que nous avions baisé, mais nous ne savions pas si ça nous avait plu. Une tempête d'hypocrisies s'ensuivit. Nous n'avions pas le culot de dire ce que nous pensions. Et puis nos Choses, nos scorbuts étaient là à calculer notre pression artérielle, notre taux d'hémoglobine et tout un tas de constantes. Des silences merdiques alternaient avec des banalités. En rentrant à pieds, je tentais de rassembler les clichés imprimés dans ma mémoire. “Il t'est impossible de tout mettre dans l'ordre. Cela permet à ton esprit d'évacuer la honte que tu devrais ressentir. Ça n'a pas été glorieux avec cette fille.”
J'étais pris en étau entre mon désir de revenir à ma conscience passée et me laisser engloutir à jamais par le scorbut. Il n'avait ni corps ni âme, ce n'était qu'une chose après tout, mais à mes yeux, assez distinctement je voyais le visage agressif de cette entité. J'avais beau m'accrocher aux illusions des premières années où nous avions ces choses, cela n'arrêtait pas les angoisses, la peur, le corps qui se refuse à être autre chose qu'une masse molle et paresseuse.
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