La classe en Cadillac bleu ciel

Leonel Houssam

 C'est fou comme dire des conneries était un sport horizontal. Tout le monde pouvait s'y adonner. Un compte, un pseudo et à nous la vie de fouteur de merde masqué. C'était mieux que se morfondre devant la télé. Là, on avait comme un pouvoir. On pouvait mettre tellement les bouchées doubles qu'on pouvait devenir une sorte de star. Avec des tas de followers, de l'argent, du succès et tous les bracelets qui allaient avec.

Ça m'a fait penser à ça quand j'ai vu « Franck », mais pas à la française, pas ce genre de type avec des cheveux mal coupés qui cassait la gueule à tout le monde dans la cour. Pas ce Franck au cerveau trempé dans le cambouis. Non, plutôt un Franck à l'américaine. La classe à l'américaine de l'époque. Pas celle de maintenant qui ressemble à ces intérieurs dégueulasses russes pleins de dorures. Non, vraiment la classe des années 40, 50, 60, avec les beaux costumes, les chapeaux du FBI, la cigarette gourmande comme une Chupa Chups. La classe en Cadillac bleu ciel, belle à en éteindre le soleil de Fort Lord City, ce genre de nom qui claquait. La gomina, les cabarets coquins, les escalators en bois et la rumba soufflant sous les robes longues et fleuries...

Franck raccompagne une Lady somptueuse dans l'obscurité humide percée de la lumière orange des vieux lampadaires de Fort Lord City. Ça doit tenir les gens en haleine. Garée dans une allée étroite, la Cadillac est à peine perceptible. Un flash dans l'habitacle, on croit flipper... jusqu'à ce qu'on comprenne que Franck s'est laissé aller au plaisir avec la Lady, son vieil appareil photo à la main, fumant encore de son flash éclaté.

« Maintenant tu vas me filer cent mille dollars en petites coupures ou j'envoie la photo à la presse et à ton mari. OK ?! »

La Cadillac paraît entraînée dans une rivière de boue qui dévale d'entre les maisons massives et sombres...

Chronique humaine 5

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