Le portrait-robot du pur mec

 

Chronique humaine 1

Bon, pour demain, c’est un gars qui s’appelle Zach. Je le vois assez grand, baraqué comme un mec des années 1970, une coiffure de ces époques-là et un pat’déf en velours côtelé marron. Les pompes forcément en cuir clair... Oh non, tiens, des mocassins blancs. On voit tout de suite le personnage, avec cette blondeur un peu granuleuse des photos argentiques. Les yeux d’un bleu azur. Ça marche à tous les coups. Sa voix est grave, évidemment. Il roule très légèrement les “r”, ce qui lui donne un petit air de Suédois à la sauce tapas. Et merde ! Je fais ce que je veux. Après tout, ils, et surtout elles, en raffolent.

Zach boit son scotch brun et scintillant au soleil orangé, sous un ciel limpide, tout juste traversé par les traînées blanches d’un avion de ligne. Ça pose bien les choses. Il s’allume un cigare. Oh, je préfère qu’il porte une chemise blanche très cintrée, dévoilant des pectoraux saillants. C’est plus sexy, un chouïa vulgaire, enfin mâle alpha et tout le tralala.

La brise dessine des vagues dans sa chevelure. Je pense que là, on a en tête les coiffures à la con de La Croisière s’amuse et toutes ces merdes qu’ils passaient à la télé.

Enfin bon. Une fine couche brille dans l’ouverture de sa chemise. On devine, on choisit, on imagine l’odeur de sa peau, salée sans doute, élégamment parfumée en tout cas. Son sourire traduit sa sérénité intérieure lorsque soudain, son torse est frappé par un gros calibre qui l’envoie valser en arrière jusqu’à la piscine, où il s’enfonce. La suite : l’eau chlorée qui s’assombrit dans un nuage de sang. C’est certain, ça va se sentir frustré. Bien comme il faut. C’est fou comme c’est prévisible, les gens. Tu balances quelques images simples mais fortes. Tu ajoutes une tension un peu libidineuse. Le drame. Le choc. La colère. Le questionnement. Qui a fait ça ? Qui est ce Zach ? J’en ai marre. Une clope me fera du bien. Et du whisky, tiens, comme lui.

J’ai le portrait-robot du pur mec qui en jette avec les clichés. Il faut que ses sapes évoluent plus vers la modernité dans les flashbacks.

Je balance tout ça à l’ancienne : par mail.

On a un protocole à suivre. Je ne devrais même pas le dire. Tout ce qu’on publie doit être garanti sans IA, sans assistance, sans correcteur. Juste avec le cerveau, les doigts, le cœur, les tripes, enfin, on connaît. Interdiction d’embellir. Du brut, du libre.

Zach existe. Je ne fais que le matérialiser par l’écrit. C’est puissant.

Chronique humaine 1

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