Ecrire pour disparaître



C'est pas mon truc de raconter des histoires, des fictions ficelées avec du suspens, des personnages bien identifiés, des recettes narratives qui tiennent le lecteur en haleine. Je n'ai jamais écrit parce que je voulais être écrivain, obtenir des prix ou de la reconnaissance. J'ai écrit parce qu'on m'a demandé de le faire, pour faire passer un message, pour transmettre des ondes, pour donner un avertissement général.

Mon prochain roman ne raconte pas une histoire passionnante, il dépeint un monde, des mondes, il révèle des passerelles entre plusieurs dimensions, il démonte une certaine idée de la réalité. Car les lois, celles de l'Etat, celles de la morale générale, celles des familles, de chaque individu, des proches comme des éloignés, des amis comme des ennemis, des reconnus comme des inconnus, des communautés, des clans, des associations, des religions, des partis politiques, des urbanistes, des militaires, des scientifiques m'ont toutes été imposées. Pas une seule de toutes ces lois n'a été écrite par moi. Elles s'imposent à moi, à chacun, enfermant l'être dans une prison qu'on appelle la vie en société, la vie en marge, la vie en bas comme en haut.

Je n'écris donc pas d'histoires, je n'écris pas non plus de la poésie, ni de la philosophie. J'écris parce qu'on m'a demandé de le faire.
Alors je le fais.
Mes livres, hormis les biographies, ne sont donc pas viables commercialement, n'attirent l'attention que de peu d'éditeurs et de lecteurs.

Car ce que j'écris n'obéit qu'aux seules lois intérieures qu'on m'a autorisées à rédiger, qui ne s'imposent jamais aux autres. Bien sûr, je me soumets à toutes les lois y compris celle de l'écriture, la grammaire, l'orthographe, la syntaxe, la concordance des temps... Même si je n'en suis qu'un utilisateur imparfait, incorrect, perpétuellement débutant. Ce sont ces dernières règles qui me permettent d'outrepasser les règles pour écrire autre chose que des histoires faites uniquement pour satisfaire des lecteurs qui ne cherchent pas autre chose que de se rassasier encore et toujours des lois qui leur ont été imposées dès la naissance, qui les oppressent ou les rassurent.

Je continuerai donc à écrire comme on m'a demandé de le faire et si ça me vaut l'anonymat perpétuel, la critique acerbe, la détestation ou le mépris, peu importe, je ne changerai pas pour satisfaire quiconque. Ceux qui voudront lire liront, les autres, 99,9999999999999% de l'humanité peuvent continuer à vivre sans avoir à se soucier de mes torchons littéraires...

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