La belle élasticité du temps
Il y a quelques vertus à être désagréable, et en premier lieu la tranquillité qu’on en retire.
Les palmiers, dans les poussières chaudes soulevées par les grosses roues de la Jeep de Bobby, gardaient toute leur grâce, étirés tels de longs cous vers un ciel perpétuellement bleu…
Tout était loin de là.
Vus du village, les affrontements cataclysmiques entre les méga-blocs mondiaux n’étaient plus qu’un grondement léger et intermittent, vite soufflé par la rondeur de la vie paisible et de la nature tenace.
Les hommes encagoulés cernaient le secteur.
Nous étions « protégés » par deux cents CRS en armes, prêts à riposter.
Les enfants jouaient à la guerre dans l’eau chaude de la Méditerranée,
les adultes se défonçaient la tronche à coups d’alcools, de drogues
— et passons sur les nocturnes sucrées, spermées, après la soirée dansante et le « bonne nuit les petits »…
Le monde grondait au loin,
les indépendantistes étaient postés, prêts à nous envahir,
et nous faisions la fête : jeux de plage,
et surtout le Bingo de la Playa !
Ça, tout le monde aimait ça.
Tout le monde topless, over-bronzés et luisant de monoï,
hurlant les réponses, embringué par l’animateur star : Filou !
C’est lui qui chauffait la salle chez Drucker à Champs-Élysées.
Et pas que !
Roadie de Marie-Paule Belle, et un temps d’Annie Cordy.
Autant dire que ça braillait, que c’était chauffé à blanc dans la brise salée,
sur les serviettes à motifs,
dans la saveur des Ricard, des rosés, des Orangina,
et des cigarettes brunes…
On oubliait.
On était ici pour être libres et protégés de leurs folies.
L’humanité pouvait s’écharper autant qu’elle voulait,
cette petite part d’humanité que nous étions n’aimait que se vautrer
dans le plaisir,
l’abus,
la belle élasticité du temps…
À suivre ?











Commentaires