Les forces secrètes de leur République

fiction

 « Est-ce vous Léonard Haltier ? »

Il m'a posé la question uniquement dans le but de respecter les termes de la loi.
« Sans réponse de votre part, vous tombez sous le coup de l'article 161 alinéa 4 : qui ne dit mot consent. Vous êtes donc, aux yeux de notre République, définitivement inscrit dans les registres de la police au nom de Léonard Haltier. »
C'est déjà la septième fois qu'ils me font le coup. Entre 6 et 60 heures de garde à vue sur l'amer, avec ce que ça comprend d'humiliations légales. Pour qu'on m'offre un tel traitement, c'est uniquement parce que j'ai écrit et publié des dizaines de milliers de textes qui ne faisaient que dire tout le contraire de la doxa de leur République.
Ah, je n'ai pas dit. Ceci est réel et ce que je dis est exactement ce qui se produit. C'est bouleversant. Je pense que l'écrasante majorité de ceux qui le lisent ici se demandent dans quel futur proche j'ai situé la scène. Mais pourtant, tout ça est bien vrai. Vous n'avez fait que déduire que ce que j'ai vécu se passe en France. Mais non. Pas du tout. C'est bien plus à l'est que ça sans que je puisse en dire plus.
L'usage de ce compte me permet de m'exprimer avec une bonne couverture. Bien sûr, j'ai conscience qu'usurper ainsi un compte est moralement dégueulasse et légalement proscrit. Tant pis.
Ce que j'ai à raconter est sans doute bien plus grave qu'un simple emprunt de compte sur les réseaux sociaux.
Ce furent finalement 18 heures de garde à vue. 30 de moins que la précédente fois. Ils ont remis mon dossier à jour comme si mon ADN avait changé entre-temps. Contrairement aux forces secrètes de leur République, je n'ai pas les moyens de me procurer cette injection qui, effectivement, modifie l'ADN. Ça s'achète au marché noir pour plus de 30 000 euros. Une fortune. Ici, le salaire mensuel moyen est très bas. Bien plus que les plus bas de vos revenus en France.
J'ai signé la déposition. Je n'ai pas nié avoir écrit ce que j'ai écrit. Dans l'heure, j'ai reçu un courrier déposé par un coursier sur le palier de ma porte. Je tremblais en décachetant l'enveloppe. « Convocation au tribunal pour votre jugement en date du... », je vous passe les détails, vous avez parfaitement compris. Pour moins que ça, des journalistes et des personnalités publiques se sont pris au moins cinq ans de taule. Dire que je ne suis pas angoissé serait un mensonge. Mais je ne me tairai pas d'autant que vous, en France, en Belgique, en Espagne et ailleurs, vous n'avez pas conscience du danger qui vous guette.
Vous êtes cernés tout en continuant votre bal triste et décadent. Après tout, je ne vous le reproche pas. J'en aurais fait tout autant en n'ayant pas toutes les clefs pour comprendre. C'est pourquoi je suis là, juste avant ma mise à l'écrou imminente.
Je n'ai pas d'autre solution que d'utiliser des pseudos pour qu'ils ne me repèrent pas. C'est imprudent. OK, je prends le risque.
Garçon des forêts, j'ai toujours été un taiseux. Je suis aussi infecté par ce truc de l'imposteur. Je ne porte pas la psychologie dans mon cœur mais il faut bien avouer qu'il y a des concepts qui marchent bien. J'aimerais parler de mon enfance. Ce sera le cas en filigrane. Ceux de ma famille que j'estime encore, ceux aussi que je ne peux pas saquer ont le droit de vivre en paix et loin de mes déboires. En choisissant d'écrire librement, je savais quels risques je prenais.

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