A cause des vidéos de partouzes sur le net | 14 avril 2009

Je suis un peu gêné. Dans la salle d’attente, ils nous ont entassés sans nous dire ce qui allait se passer. Personne n’a de fiole de sperme, sauf moi. J’ai fait un stock de peur de … je ne sais pas en fait. Ça me gêne. Je crois que je n’aurais pas du me vider à l’avance. 

Une grosse femme bien maquillée se pointe dans une blouse blanche très propre (le tissu à l’air rêche) et des chaussures déformées par la grosseur de ses pieds. Elle a la voix grave d’une mangeuse d’hommes petits qui préfèrent les grosses (c’est une image qui me court dans l’esprit depuis tant d’années) : « Monsieur Vérol, à vous. » 

Je suis avec mon petit récipient de sperme et tous ces connards me reluquent en souriant du coin des lèvres. 

Dans un couloir, on me dit de m’introduire dans ces cabines à deux portes (il y a du crépi jaune crado dans celle-ci). Ça m’angoisse comme lorsqu’on faisait les visites à la médecine du travail… T’avais beau être cadre, manager d’une équipe de 18 fidèles salariés et adhérent à la pitoyable CGC, tu te retrouvais en slibard devant un mec à blouse qui te reluquait à la loupe… jusqu’à commenter la couleur de tes poils de bite (encore que là, j’ai du avoir affaire à un médecin spécial…). A cela, il fallait ajouter la pause pipi dans le pot où tu tentais lamentablement de ne pas te faire sur tes doigts… En vain. 

J’ai honte parce que j’ai des chaussettes trouées, que mon corps, au fil des années, a fini par ressembler à celui des moches, des loosers, des nazes… Quand j’étais jeune, je pouvais me la péter tellement j’étais bien foutu, les muscles dessinés et la chevelure glorieuse… C’est sur cette base que je me suis longtemps pensé comme un cador, un boss, un killer, un séducteur… C’était une époque où je pensais que je serais peut-être le sauveur de l’Humanité dans les années 2035 - 2045. Mais il n’en est rien. Car plus je plaisais, plus je baisais à tout-va. Plus je séduisais plus je sortais pour pouvoir profiter de mon pouvoir de séduction. Et plus je sortais, plus je picolais, plus je me shootais, plus je me destroyais la gueule et la vie… 

… pour me réveiller un jour, quelques années avant la grande crise, dans un studio de banlieue de 15 mètres carré, des problèmes d’ulcère, de poumons, de calvitie et de dépression… 

C’est alors qu’internet apparut, et me permit, pour un temps, de revivre de façon totalement virtuelle, la vie que j’avais glorieusement menée. Dans mon studio qui sentait la merde, les rots aillés, les chaussettes sales et l’alcool, je cliquais sans fin, fondais mes boîtes de night à la baisouille et kiffait la fionne de femmes avatar… Période Second Life… 

Je frappe à la seconde porte de la cabine. « Cinq minutes s’il vous plait », me dit-on d’une voix directe et sèche. 

La question, c’est de savoir si mon sperme vaut encore quelque chose 3 heures après l’avoir extirpé de mes couilles… J’ai eu le temps, ces dernières années de zyeuter des émissions sur ce sujet. J’ai toujours été passionné par les chaines de télé russes, asiatiques, par les docus sur les catastrophes naturelles, et les émissions sur la santé (parce que je suis un malade de la maladie de la mort je veux pas mourir mais je pense qu’à ça me sens pas capable de me battre contre la douleur, la maladie, les médecins qui puent de la bouche). 

Je n’ai pas vraiment le temps de philosopher, une femme noire en blouse elle aussi, m’ouvre la porte et dit : « Entrez, asseyez-vous. »
T’es en slip, avec le bide, la sale gueule, les boutons dans le dos et la bite toute rétrécie par l’humiliation et la gêne… 

Elle s’assoit comme si on s’enquillait un café ensemble, sur une terrasse. L’idéal, dans ce cas, serait que le médecin se mette aussi en sous-vêtements. Ce serait plus convivial et moins humiliant. On pourrait se mater un peu, et peut-être faire mumuse. Encore que pour le médecin, se taper dix patients par jour c’est chaud la piquouze (l’médecin c’qu’il aime c’est le flouze et te fout’l’blues en t’mettant la loose… Je fais du slam pourri - ça l’est toujours - pour me faire marrer dedans pour essayer de me sentir moins tremblant genre le chat mouillé qu’on sort du bain). 

« C’est quoi ça monsieur ?
- C’est mon sperme madame. 
- Pardon ? 
- Oui j’ai amené mon sperme. 
- Qui vous a demandé d’amener ça ?
- Euh un ami m’a dit que c’était la procédure. 
- Pas du tout. »

J’ai envie de pleurer ma vie, me décomposer direct, me dissoudre… Je voudrais être comme Costes, être capable de gueuler « je baise la maman à ma mère » en secouant mes roubignoles dans tous les sens… Mais non. C’est ignoble. Je ne bouge pas.

« Vous avez intégré ce programme de façon définitive. Nous nous chargerons de faire le nécessaire pour effacer toutes traces de votre état civil dans les fichiers des administrations. Vous allez être au cœur d’un dispositif chargé de sauver des millions de vies, et pour cela vous avez accepté de vivre une existence nouvelle, totalement en décalage avec celle que vous avez connue jusqu’à maintenant… Vous allez quasiment être jeté dans un monde que vous n’auriez jamais pu imaginer. 
- Ah Bon ? 
- Vous semblez distrait monsieur Vérol. On ne vous aurait pas expliqué tout ça lors de la signature du contrat ?
- Ben non… Mon pote m’a dit que c’était pour aider la recherche et que je serais payé pour ça. 
- Exactement. Il vous a bien informé. 
- Mais il était pas question de tout le reste là, sur l’état civil et le monde inconnu.
- C’est pourtant spécifié dans le contrat. 
- Mais j’ai pas fait gaffe !
- Ça n’a plus aucune importance. »

J’ai des sueurs froides. J’ai l’impression de vivre un cauchemar. Je suis le machin de mes propres choix pathétiques, la chose, le dindon débile de mes indécisions (un truc aussi con que ça…). 

« Vous allez m’emmener où ?
- Dans votre logement. »

En fait j’avais en vue un petit mec étudiant à la Sorbonne. Je t’chatais pas mal avec lui et on s’échangeait des vidéos de partouze sur le net. Je me disais qu’il me correspondait. Il était assez romantique dans sa façon d’être gore. Et comme il aimait Indochine, ce vieux groupe, et que j’aime les mecs qui se maquillent les yeux, je me suis dit que peut-être j’allais commencer une nouvelle vie en l’aimant, en le choyant ce petit, et en lui offrant des promesses puis des cadeaux, puis des petits souffles dans la raie de ses fesses, dans le creux de son rein musclé.

Au lieu de ça, je vais être envoyé ailleurs… Ce médecin a une tête de chien geôlier ou de crocodile manager… avec… je suis sûr, un bambin à la place de la vulve… 

A suivre ?

A cause des vidéos de partouzes sur le net (texte en cours, inachevé ? Titre provisoire)

Andy Vérol

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