Pas un Dieu, un Allah n'a retenu ma main qui s'écrasait sur ton visage... | 22 mai 2010

 ©Kate Polin - #15
Je suis comme tout le monde... On me donne des qualités que je sais ne pas posséder. Malik aimait baisser son jean et son slip et s'asseoir dans les épines de pin:
« ça pique, ça chatouille, j'aime bien... C'est une fessée sexuelle... »
ça a longtemps trainé dans ma tête, puis ça a disparu, pour ne revenir que ponctuellement à l'adolescence, au moment où une fille passait presque entièrement dénudée sous mes yeux injectés d'hormones mâles de désir gourmand...
Je t'écris cette courte lettre, Kate, parce que je veux que tu comprennes les coups de l'autre soir... Dans ton lit d'hôpital, tu dois sûrement me haïr.
Il y a aussi qu'on jouait au foot, qu'on se tapait sur le cul et qu'on se défiait dans la cour... Et mon père-la-main-lourde... Je disais « I love you » à Malik le cul dans les épines...
« Je suis Jésus par les fesses »... Qui saignaient, que j'explorais de près. Sa peau lisse était un brin jaune, entre les picots de pin. J'apercevais un peu ses couilles entre ses cuisses, un peu sa pine aussi.
« Et tu regardes ma bite par derrière? T'aimes bien? Donne-moi des claques sur le cul pour voir... »
Je n'osais pas, j'hésitais au début... si bien que je ne faisais que l'effleurer.
« Vas-y tape ! Dieu nous r'garde !
- Toi c'est Allah!
- Ouais, et toi c'est Dieu! Vas-y claque, ils nous regardent! J'aime bien!»
Il faut que tu comprennes. Ce n'est pas de ma faute. Ce que je t'ai fait, est terrifiant, mais, Kate, ce n'est pas de ma faute. Dieu et son pote Allah m'ont laissé faire... J'avais besoin de ça. Je frappais un peu plus fort à chaque rendez-vous. On jouait au foot,  on se tapait sur le cul, on se battait dans la cour. On nous apprenait ça très tôt... Papa-la-main-lourde apprenait ça. Voisin costaud apprenait ça en traitant sa femme de pute, en traitant son fils de petit pédé. L'autre voisin apprenait ça à ses fils en leur disant de relaver son camion sans fin... On nous apprenait ça, à nous taper le cul, à nous bastonner dans la rue, dans la cour, pour une fille, un territoire ou une poignée de francs... Parfois même pour des bonbons ou des accessoires de Playmobils...
Kate, l'image de Malik à quatre pattes m'est revenue dans la gueule comme un boomerang, quand tu m'as dit que je n'étais qu'un sale harceleur d'alcoolique de merde. Tu te rappelles que tu as menacé de me quitter ? Tu te rappelles un peu ? Tu ne dois plus te souvenir de ça, sur ton lit d'hosto... Tu m'as dit ça alors que j'avais décidé, dans ma tête, de devenir meilleur pour toi... Malik et son cul, toi et ta gueule haineuse, tes menaces, papa-la-main-lourde et les bastons dans la cour, m'ont fait faire ça... Ce n'est pas moi, c'est tout ça, c'est la peur de te perdre, de te voir partir, de me retrouver seul... ça provoque la même colère que lorsqu'on me piquait des jouets, des fringues de Big Jim
Les dieux des monothéistes n'ont rien fait pour toi, n'ont rien fait pour moi... Ils consacrent tout leur temps à protéger les maîtres de ce monde... Pas un Dieu, un Allah, un Bouddha n'a retenu ma main qui s'écrasait sur ton visage...
Kate, je tombe, et je veux que tu comprennes les bleus, les hématomes, les cicatrices, les plaies, les bosses, les fractures, les veines éclatées, les lustrations, les écorchures... Je veux que tu les comprennes... Je t'expliquerai tout en t'écrivant des lettres... avant que tu meures sur ton lit d'hosto, je veux que tu comprennes comme je tiens à toi, comme j'ai peur de te perdre, comme les dieux nous ont abandonnés...
Série: L'agonie de Kate Polin
Photo: Kate Polin
Texte: Andy Vérol

Commentaires

Articles les plus consultés