Tu es le domaine de mon amour secret | 22 mai 2010

J'ai un petit secret, pas des épines dans le cul comme Malik.
"J'ai un truc à te dire au téléphone..."
Pas des épines, pas des épines dans le cul comme Malik à la caserne. Sa maman qui était plantée sur moi.
"Pour 200 francs, je te fais jouir dans moi jeune homme..."
Ses 55 ans, mes 15 ans. Malik était dans l'entrebaillement de la porte, était comme la voix de l'homme dans le téléphone... qui appelait chaque mercredi après-midi, pendant que les parents étaient au boulot:
"Tu es où jeune garçon? Tu es sur ton canapé?"
Je ne parlais pas, tenais le combiné gris et enfilais mon index dans le tortillon du fil...
"Tu sais que tu n'as pas à avoir peur de moi..."
Il y avait des bruits de robinet qui coule, de télé en sourdine...
"Tu es en short ou en pantalon? Je suis sûr que tu es en short... Un petit short bleu en jean, avec un slip blanc dessous... C'est ça que tu as dessous ton short?"...
Je restais figé, de peur, ne lâchais pas le combiné, et transpirais de l'oreille...
"Tu as sûrement un tee-shirt... J'espère que ce n'est pas un tee-shirt de foot hein? Mon garçon, ce sont les vilains garçons qui portent des maillots de foot... Je t'offrirai un Polo un jour. J'ai de l'argent tu sais? Tu aimerais être riche un jour?"...
J'avais les genoux qui tremblaient... Tapaient l'un sur l'autre... Me taisais... N'avais dit que "Allo", avant de reconnaître sa voix... Je ne pouvais plus échapper à sa voix douce, un peu rocailleuse, profonde comme celle d'un ogre:
"Tu ne raccroches pas hein? Si tu raccroches, tu sais que je sais où tu habites... Je viendrais quand personne ne serait là... Même si tu préviens ton papa ou la police, je saurais quand ils ne seraient pas là... Tu sais qu'ils ne pourraient pas te surveiller nuit et jour... Tu sais comme ta chambre est isolée tout au bout du couloir..."
Je reniflais, le nez me coulait, des larmes dégoulinaient sur mes joues...
"Tu as tes petites jambes maigres avec le duvet léger dessus... Je le sais Nélo... Je les ai vues avant-hier lorsque tu jouais au carting à pédales avec tes camarades... Elles sont belles tes jambes, elles sont sexy comme celles des femmes... Tu me comprends? Nélo? Tu me comprends?"
Je retenais mes sanglots... et reconnaissais ce changement de ton... Je savais ce qui allait se passer:
"REPOND-MOI! DIS-MOI SI TU AS COMPRIS OU JE VIENS TOUT DE SUITE!"
Je ravalais ma boule coincée dans la gorge en déglutissant... et  d'une voix qui devait être claire et enfantine, je répondais terrorisé:
"Oui monsieur... J'ai compris..."
Il se mettait alors à respirer plus fort... Et murmurait de longs "ouiii"... rauques, caverneux... Il disait :
"Tu es le domaine de mon amour secret"...
Je ne savais pas ce que c'était jouir... Je n'y comprenais rien... Et l'entendais grogner avant de raccrocher subitement...
Mes nuits du mercredi au jeudi étaient blanches... Mes paupières ne se fermaient jamais avant cinq heures du matin... Mon corps recroquevillé de trouille sous la couette...
Extrait du roman en cours d'écriture: Le Goût Amer de l'Amande
Andy Vérol

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