La sueur est épaisse, salée, consistante en bouche | 30 novembre 2010

De la belle province, il ne reste que des forêts ravagées par la sécheresse, des champs pleins de crevasses... Une lumière couleur pisse... « On dirait le désert du Nevada », dit Polo... De belles brumes couvrent tapis quelques pans de l'horizon. « On n'y arrivera jamais... On n'atteindra jamais le paradis avec tous ces tarés au cul ». J'ai la bouche comme un vieux kleenex souillé asséché. L'oreille interne ne veut plus faire son taf, l'équilibre est débile, pousse mon corps sur le côté droit : « Je crois que je vais tomber à force ». Les mirages forment des lacs... En me retournant, je m'aperçois que les montagnes ne sont plus que des dents limées posées sur le lointain. Nous luisons... Parfois nous essorons nos tee-shirts dans nos bouches. La sueur est épaisse, salée, consistante en bouche, teigneuse dans la gorge. « On joue nos dernières heures... ».

C'est alors que nous l'apercevons... Minuscule et noire... La silhouette d'un bâtiment nous semble être un rêve, une hallucination... « J'y crois pas. Je crois pas que ce soit possible... J'y crois pas ». Il peut encore parler le coriace. Je reste muet, la gorge attaquée au chalumeau par la soif, l'estomac tordu comme un vieux linge, démoli par les ulcères et la famine... Déjà, je le sens, les carences attaquent mon sang, mon système cérébral... Je tombe. Me relève. Et marche... « C'est au moins à deux lunes de nous... On n'y arrivera jamais... A découvert... Ces malades auront notre peau, videront les couilles à munitions de leurs hélicos de combat sur nos pauvres corps de fuyards... ». J'ai envie qu'il ferme sa gueule... Mais aucun son ne peut sortir de moi, au risque de faire exploser ma bouche...

Extrait du roman en cours d'écriture : Mon Usine, la suite...

Andy Vérol

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