Sa mère lui avait haché menu les roupettes au moment de l’adolescence





13 juillet 2011: on grandit, on vieillit à côté des mêmes fous. Quand je bossais pour une agence intérim, j'étais en binôme avec une femme. Nous faisions tout ensemble durant nos heures de travail. Pro, uniquement pro. Et pourtant un matin de juillet comme aujourd'hui, son mec a débarqué à l'agence, livide, haletant. Il a dégainé un flingue qu'il a vidé sur moi.

13 juillet 2011 (des lagunes et des agrumes, des décors kitsch sur l’horloge éphémère plantée en centre ville) : heureusement, dans un sursaut, j’ai bondi en arrière, me pétant deux côtes contre le coin du bureau d’accueil. Le mec s’était imaginé que je sautais sa compagne. On croise les gens, ils ont l’air normaux, mais ils se projettent des films dans la tête, ils réécrivent l’autre, lui donnant un rôle dans le navet qu’ils se tournent à l’intérieur. Sa copine était jolie, mais sans plus, pas plus, pas moins baisable qu’une autre, juste pas à mon goût, juste pas dans mes projets sexuels. Ce mec s’imaginait qu’il sortait avec une bombe, sans doute qu’il avait des problèmes à bander, à roupiller, à se mouvoir professionnellement. Peut-être sa mère lui avait haché menu les roupettes au moment de l’adolescence. Peut-être que tout simplement, il zonait sur sa console de jeu toute la journée, qu’il se rendait compte que ça la gonflait. On se joue de soi, on dénie généralement sa responsabilité. La jalousie, c’est une délégation de fautes sur l’autre… Il s’est procuré une arme. Elle m’avait suggéré des soucis avec son Jules, mais je m’en tapais un peu… Je n’y avais pas prêté attention. Tri des ordures… Il avait du mélanger les plastiques avec les bouteilles en verre. Dans le capharnaüm de sa psyché délirante, il avait bâti un mensonge. Elle couchait sans doute avec son collègue alors quoi ? Pourquoi ne pas l’abattre ? En vidant son chargeur sur moi comme il s’imaginait que je vidais mes testicules dans sa femme, il pensait effacer son film, remettre son cerveau à l’envers.
Des flics passaient heureusement par là. J’étais tremblant comme une feuille sous le bureau, retenant des sanglots de bébé, une envie de chier gargantuesque… La peur, le choc, l’effroi… L’impression d’être sur un tapis volant… J’ai même vomi sur mon col. Lui a été abattu d’une balle dans la poitrine.
Merde. Souvenir-merde.

Léonel Houssam

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