J'avais du sang en cascade qui m'inondait






"J'me faisais cracher dessus dans la cour de récré, mais moi j'avais mes mains dans les slips des sirènes suaves qui venaient me rejoindre dans mon lit avec le gros gros gros duvet rouge qui me donnait l'impression d'être chevauché par un ours brun. Brusquement, je me suis senti mieux quand j'ai compris que je pouvais m'échapper du monde en mettant mes doigts dans la prise. Plus on me disait de ne pas faire et plus je faisais, et plus j'étais dégoûté par les enfants, les adultes, plus je remplissais mon carnet des sorties de secours... J'y dessinais et j'y écrivais, je savais par exemple que la cigarette donnait le cancer alors j'avais écrit le moment où je pourrais commencer à fumer pour choper la mort le plus rapidement possible. Avec Malik, dans l'arbre qui surplombait le Ru, on fumait les tiges à papa, je pensais que je pouvais l'appeler daddy celui-là. Tu as tellement de connards qui écrivent aujourd'hui pour dire "mon père ce héros", pour se racheter une conscience, pour se vanter d'être issus de milieux modestes. Moi je cherchais tous les moyens pour tuer ce vaurien, ce chien plein de bave bulleuse qui me chiait des insultes bétonnées à l'heure du petit déjeuner... Déjà. J'écrivais aussi que je pourrais provoquer des fous, des tarés pour qu'ils se jettent sur moi pour me tuer. Plus tard, j'ai souvent pratiqué ça. Je disais à un mec qui sortait de zonzon avec les gros muscles, le sang plein d'alcool: "Eh toi t'es un gros pède qu'aimait se faire enculer en zonzon hein? Allah akbar dans ton cul hein?" Alors le mec, je sais pas, en général, il ne répliquait pas tellement, il était surpris par la violence de l'attaque. Il s'écrasait pas non, mais il répondait pas tant que ça. Au pire un coup de boule ou une baffe bien lourde, mais pas de coup de couteau. juste une fois, un mec m'a passé la gueule à travers une fenêtre. J'avais du sang en cascade qui m'inondait comme une bonne douche d'eau tiède. Mais pas de mort. Les mecs n'allaient pas jusqu'au bout. Moi qui voulait crever sans me suicider, j'ai tout essayé. J'ai fait la drogue, l'alcool, j'ai fait sans capote, j'ai fait en équilibre sur la rambarde du balcon. J'ai chuté du troisième. Trois mois de plâtre en guise de gaine. J'ai fait les accidents, j'ai attaqué, j'ai hurlé, j'ai poussé le cœur à la limite de la crise cardiaque. Rien, que dalle. Le monde affligeant était toujours là. Il est toujours là, arrogant, prétentieux, surpeuplé, sur-vacciné, sur-affamé, sur-militarisé, sur-connardisé, sur-achalandé, sur-représenté dans le système solaire. Rien n'y a fait... Je vais grimpé dans l'avion dans 15 minutes, et j'espère que mon enrôlement dans les troupes de DAECH me sortiront de ce monde-là"...

Léonel Houssam

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