« Alors tu vois ces bougnoules qui zigouillent les bons français… ». Chronique du quotidien pathétique



Chronique du quotidien pathétique : Près des champs, dans le bois du Pré-Vert au dessus de la cité des Roses, on attirait généralement un petit de CP pour le ligoter à un arbre. Il pouvait se nommer Bruno, Lenni, Julien ou Carine, lorsque nous l’attachions, il devenait : « le coco », comme communiste. On le fouettait avec des orties, on lui fourrait des grappes de têtards vivants dans le slip, on lui faisait ingérer des escargots ou des limaces, et on lui arrachait la peau du corps avec de longues ronces, on lui pissait sur le visage… C’était jamais moi, c’était toujours l’autre, c’était jamais de ma faute, c’était toujours de la sienne lorsqu’un parent nous attrapait… Un dimanche matin, le lendemain d’une journée de torture pour Jamel dit « la crotte de nez qui pend » qu’on avait pendu par les pieds et brûlé avec des branchages en feu, son père a débarqué chez les parents de Bruno Pilissero avec une hache de boucher. Ils ont gueulé si fort que tout le quartier s’est penché à la fenêtre pour reluquer et commenter… jusqu’à ce que Farid, le père de Jamel, ne frappe le crâne de son adversaire à coups de tranchoir… Les flics sont venus, ont fourré Farid au trou… et durant les semaines qui ont suivies un discours collectif et larvé avait envahi tout le quartier : « Alors tu vois ces bougnoules qui zigouillent les bons français… ». C’est ainsi que la pyramide des races refit surface au début des années 80 auprès des ouvriers virés des usines de fonte… En grandissant, vers l’âge de 10 ans, dégoûté par cette immondice collectif, je décidai de me marier dans la cour de récré avec Malik… en portant un brassard rouge communiste au bras gauche… Le samedi suivant, j’étais ligoté à un tronc d’arbre dans le bois du Pré-Vert, hurlant à la mort sans qu’aucun adulte n’intervienne : « Il faut que jeunesse se passe »

Léonel Houssam

Avertissement: Ce texte fait partie d'une oeuvre littéraire au titre évocateur: "Chroniques du quotidien pathétique". Il s'agit de flashbacks ou de réflexions écrits sans aucune forme de limites écrits au jour le jour. Ce projet fait suite à un autre projet écrit de 2006 à 2010 au titre suivant: "Robert de Niro n'est plus un héros". Ces deux travaux ne sont disponibles que sur mon blog-laboratoire. Pas de publication papier prévue à ce jour. 

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