L'Etat jusqu'à la mort



Quand tu parles de l’Etat comme d’une grosse maman aux cheveux gras, aux tétons lourds emplis d’un lait contaminé par la corruption et les petites cellules cancéreuses que sont les politicards, les hauts fonctionnaires et grands patrons, aux guibolles douloureuses, à la tronche bariolée de rides profondes, tu n’es plus l’ami de personne, tous les enfants citoyens, consommateurs immatures gonflés par une mauvaise foi qui frise la débilité absolue : « Ah non mais non c’est même pas vrai que je suis comme ça ! Toute la journée, je parle du Roi-Président qu’est méchant méchant méchant tout le temps avec moi! ». Le Roi-Président qui trône dans la cervelle de la grosse maman fatiguée, qui se gratte les nibards, son immense cul posé sur 65 millions de petits poussins-adultes gueulards baignant dans ses flatulences et sa forêt de poils huileux et frisés, ses éclats mouchetés de merde accrochés sur sa culotte et les pertes blanches, brunes, roses d’une vulve qui depuis longtemps n’a plus rien expulsé d’autre que le fiel d’une dette kysteuse logée dans les trompes. Il ne faut pas dire qu’il faut supprimer cette grosse maman, du moins se barrer de dessous son postérieur pour grandir un peu. On la veut jusqu’à la mort, on veut être à son chevet, devant sa face cireuse sur laquelle apparaît en filigrane un passé mêlant épisodes glorieux et ères douteuses et nauséeuses. On la veut et on la déteste… On veut la mettre en maison de retraite sans que ça nous coûte un rond. On ne dit pas ces choses-là, on ne dit pas qu’il faudra pourtant payer par le sang les tiraillements entre toute cette marmaille qui se fout sans cesse sur la gueule. On veut se partager l’héritage : celui de gauche, celui de droite, celui de la Patrie, celui de la République… Au final, quand Maman sera morte, il ne restera que ces petits choses s’agitant, telles ces fourmis paniquées courant anarchiquement en tous sens après avoir subi l’attaque d’une grosse tong claquant sur leurs files indiennes de travailleuses pavloviennes.
Extrait de DATACENTER. A paraître en 2017

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