Voir les cervelles sauter une à une




« Vous vous disiez protecteurs de vos enfants et pourtant dans vos écrans, dans les lignes des journaux, à la radio, partout, tout autour de chacun de vous, des milliers d’informations annonçaient la rapide dégradation de votre monde. Protégez ses enfants en faisant l’autruche ? En leur souhaitant une bonne école et une belle carrière dans un monde qui disparaissait, une économie parasitaire qui ne profitait qu’à vous ? Vous aviez les moyens de les protéger en sortant la tête de la bouse, en cessant de vous plaindre, d’être griffés par la trouille. Vous pensiez que les murs qui vous entouraient, que l’eau courante, que les routes bitumineuses seraient là à jamais. Et geindre, se divertir, se noyer dans l’égoïsme. C’est ça que vous appeliez protéger vos enfants ? Prendre et aspirer toutes les matières premières de la Terre, les dégueulasser à jamais de vos pollutions, vos constructions, vos pets de pétrole. Vous ne protégiez que vous. Vous ne protégiez que vos biens, vous crachiez sur votre prochain. 

- Nos enfants sont les plus chers de nos prochains.


- Mais ferme ta gueule. Et ton chien valait plus que cent milles volailles zigouillées pour des barbecues de gras du bide le dimanche. Et ta maison valait des centaines de villages submergés par les flots dans les archipels, sur les côtes. Et ta bagnole valait cent bêtes de somme chargées de transporter trois grains de féculents aux habitants affamés d’un village dans le désert ou sur les sommets de hautes montagnes. Tout valait mieux. Votre nationalité, votre identité, votre culture. Tout surpassait les autres, dans la totalité jusqu’à l’assèchement de la planète, la destruction de l’atmosphère. Vous ne parliez de sécurité que pour vous protéger des véritables souffrants, et vous vous étonniez de voir les cervelles sauter une à une et maintenant vous êtes encore choqué de voir que vous êtes réduit en pièces. Vous disparaissez, d’un coup, d’un seul, une supernova qui se réduit comme une vieille couille trempée dans l’eau glacée. 


- Nous avons payé. Mais là c’est trop. 


- Trop ?


- Je ne sais pas où est ma famille. Il n’en reste rien sans doute ! Je n’ai plus d’être cher dans ma vie. Je n’ai plus peur, j’ai envie de mourir.


- Il te reste pourtant un être cher que tu vas devoir protéger. 


- Non, je n’ai plus personne. 


- Si. Toi. Pauvre con. Tu vas devoir retourner dans ton monde, quitter le FAR-N, et te sauver toi.
- Je veux rester ici »


Ses yeux blancs semblent regarder la totalité du monde.


« Non tu vas dégager et retourner dans ton univers.


- Ce n’est plus que le chaos là-bas. 


- Justement. Je t’ordonne d’y aller et de te sauver. 


- C’est ici que je me sauve, à l’abri de cette folie. 


- Non, c’est en allant dans le tumulte et en éprouvant ta détermination que tu vas y parvenir. Casse toi, vas-y et surtout ne tente plus jamais de franchir la frontière du FAR-N »


L’horizon, au sud, est doublé par un manteau de fumée noire couvrant le continent tout entier…

Extrait de « Évite de Mourir ». Tome 1 du cycle « Avant Extinction ». Sera achevé en 2017.

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