Des armes chargées pour prendre la température des bambins



La cave est très humide. Deux fauteuils marron entourent une table basse ronde en chêne massif. La dizaine de grosses bougies blanches emplie les trente mètres carrés d'une lumière chaude et ondulante. On devine un congélateur énorme à l'arrêt faute d'électricité, un buffet en pin brut, une vingtaine de fusils d'assaut posés ici et là contre les briques sombres, des toiles d'araignées énormes suspendues sur toute la surface du plafond.
Bertrand invite Peter à se servir dans le plat de riz safrané fumant qui trône sur la table basse. Celui-ci décline l'invitation en invoquant un manque d'appétit. Son uniforme kaki est impeccable. Bertrand avale une cuillerée de riz avant de parler :
"C'est bien d'être venu colonel. Vous avez du cran. Le seul qui en a dans votre camp de fiottes. On s'en branle de mourir. On s'en branle de vos assauts, de votre blocus. On flingue toutes les familles si vous venez plus près. 
- Qu'est-ce que vous voulez ?
- On est une République indépendante. On a fait scission avec votre pays de merde pour vivre notre idéal. 
- Vous êtes des terroristes. Vous devez vous rendre. 
- Ah voilà. On y est. Les dirigeants du monde n'ont plus que ce mot pour dresser les moutons: terroriste. Tout ce qui veut déglinguer votre système est terroriste. 
- Non vous êtes un groupuscule qui terrorise les citoyens honnêtes, qui tente de détruire la société... 
- On terrorise pas. On vous botte le cul. Vous êtes un militaire. On vous donne pas des armes chargées pour prendre la température des bambins ou pour bêcher votre jardinet. On vous donne ça pour tuer ceux qui contestent les intérêts de vos chefs... Et bien nous, nous sommes les chefs chez nous et nos armes vous butent pour protéger les intérêts de notre République.
- Vous êtes un gang, pas une République. Vous êtes un gang de terroristes. 
- Parce qu'on menace les petites vies à crédit de vos citoyens esclaves et shootés à la conso ? Non non non. Nous on a décidé qu'on se laisserait pas faire "

Bertrand essuie la morve qui suinte à chaque narine avec le dos de sa main gauche. De sa main droite, il dégage un flingue de sa ceinture et braque le colonel qui tente de rester impassible.
"On a besoin de viande ici. Tu tombes bien. Fin des négociations"

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