Les concoctions littéraires sont parfois dégoûtantes




Je comprends le point de vue de certains qui m'invitent à écrire moins incisif afin de toucher un lectorat plus large, mais c'est un peu comme remplacer la lame d'une guillotine par une feuille de bananier, ça n'aurait plus de sens. Je n'ai pas à m'adapter à la sensibilité fragile de la plupart des lecteurs autrement je dresserais face au flux de mots qui dévalent de ma psyché un barrage de techniques narratives qui assécheraient le torrent. De toute façon, qui des personnes... qui achètent des livres aujourd'hui lisent Céline, Artaud, Calaferte, Lautréamont? Quasiment personne. Je me réclame de ces auteurs plutôt que ceux qui forment les contingents d'écrivains "moins incisifs" qui savent donner aux bouquineurs-consommateurs leurs plats préférés. Ma cuisine est âpre, originale parfois, difficile pour des palais peu curieux... J'ai conscience que mes concoctions littéraires sont parfois dégoûtantes, provoquant des hauts-le-coeur, des diarrhées, des vertiges et des courbatures, mais elles sont là non pas pour guérir mais pour soigner, elles sont là pour révéler un pan, une parcelle de la maladie globale qui est en train d'effacer l'hollocène et l'Humanité telle qu'elle fut. Bien sûr il m'importe peu que les Hommes soient rayés de la surface de la planète mais quelque chose en moi m'ordonne de le dire, l'écrire... Qu'il y ait cent lecteurs ou dix millions, l'important, c'est que ceux-là puissent disparaître d'ici dans une forme de quiétude qui frôle l'éternité.

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