Massacrer la Terre entière




Salut brave mur, toi si solide contre lequel je cogne mon front pour me soulager de la peine, de la douleur délicieuse comme une gencive qui saigne sous les coups d’une brosse à dents ou d’une rangée de phalanges. Le mur contre lequel je me frotte, et m’éternise, contre lequel je m’adosse pour regarder devant moi les miettes du monde sous un ciel de nuages blancs et moelleux traversés de bleu. Des quelques passants qui ne manquent pas de me fusiller du regard, je ne distingue que les accroupis, ça se voit quelqu’un qui est accroupi en lui bien qu’il soit planté sur ses deux jambes. Des gifles à l’intérieur au palpitant qui se rebiffe, la trouille, la sueur –car il fait si chaud, trop chaud et trop humide – les mains qui tremblent et le flingue à la ceinture bien en évidence. Je ne sais pas combien de temps encore je vais survivre. Je suis passé entre toutes les gouttes jusqu’à présent, les gouttes étant précisément les accroupis aux abois près à massacrer la Terre entière pour ne pas mourir. L’essence s’est faite rare au point de disparaître. Il n’y a plus que les véhicules de l’armée en débâcle retranchée dans les villes-forteresses que les bourgeois se sont construites. Quelques milices sont aussi pourvues en véhicule, des pick-up qu’ils lancent à toute vitesse dans les colonnes de réfugiés qui filent fourbus vers le nord… Loin vers le nord.

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