Aux cris du nouveau zéphyr



C’est toujours sans gants qu’on doit tirer les fils et s’user la peau, taillader l’épiderme, le derme, jusqu’au sang, sans que ça éveille le moindre regard de pitié des gardiens. Mais puisque nous devons nous estimer heureux d’être là, pour besogner du réveil au coucher, aux cris du nouveau zéphyr. Deux litres d’eau et la soupe avec les petits os pointus de lapin qui cognent la gorge de certains, si affamés, si pressés d’avaler, rongés dans le ventre et abattus. Du vent, mais la chaleur. Du vent, mais des pierres énormes sous la paillasse. Coucher les uns contre les autres, sous la pleine lune, dans le ruisseau de nos mauvaises odeurs. Je compte pour évaluer le temps… Je compte jusqu’à plusieurs milliers avant que le sommeil me prenne et qu’il soit interrompu par ce putain de cagnard du matin, qui savate la peau et décuple les migraines. Je tire des fils de laine avec les doigts. Finalement l’homme, lorsqu’il n’est pas payé, à peine alimenté, vaut toujours mieux que la machine. Ils m’avaient pourtant dit : « Ces vacances seront les vacances de trop… Tu n’en reviendras jamais ». J’aurais dû les écouter…
Extrait de « Douleurs fantômes »

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