Des rêves de bûcheron ou de criminel, de partouzeur ou d’amputé à vif




La justesse de ses yeux aux tremblements de ses mains, ses cuisses croisées et sa peau de cuivre mouillé. Elle grogne un peu et se retourne, écrase le ventre, et se replace. Les vents froids pénètrent par les meurtrières, par les fissures, dans les interstices de la toiture délabrée. Le sommeil ne vient pas. L’ennui et la faim. Les motels, finalement, avec les clients, ces raclures, est un paradis en comparaison de ce trou. Les ronflements des sœurs, les hurlements nocturnes dans les cellules, les prières vertueuses et les attouchements honteux. Le fœtus s’agite. L’homme roupille, nu, transpirant abondamment sous la couette et criant par moment… Des rêves de bûcheron ou de criminel, de partouzeur ou d’amputé à vif. Elle se lève. La porte grince. Le couvent est plongé dans le noir. Il est temps de partir d’ici, de reprendre sa liberté mais rattrapée par Sœur Leslie juste avant d’atteindre la porte d’entrée, elle est contrainte de rebrousser chemin, en chemise de nuit, le ventre tendu, les seins petits mais lourds. Les plaies douloureuses. Un chat miaule, un autre hurle, sortis de cris de bébé lentement empalé. « Tu ne dois pas sortir de ta chambre ». La lampe à huile dégage une lumière basse et ondulante. Les fantômes, l’urgence, les formes des femmes de nuit, des sœurs glissants sur le sol. Des vipères à qui il faudrait déchirer les chevelures, les jeter aux lions, les plonger dans des mares d’hommes en rut. Qu’elles paient elles aussi. Qu’elles soient déchirées entre les cuisses. Qu’elles jouissent de honte.
Extrait de « Reine-Mère »

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