Faut bien bouffer ma sœur



Sœur Corinne a le teint sombre de ses origines marocaines. Son sourire rayonne, sa voix est posée. Le couvent construit avec de la pierre des environs est glacial, sombre, à peine égayé par quelques cierges massifs allumés au bord du passage longeant le cloître. Ils s’avancent tous les trois dans le réfectoire vide équipé de longues tables en chêne massif placées en U. Elle les invite à s’asseoir. Ils s’exécutent. Les banalités d’usage introduisent l’échange :
« Vous avez fait bon voyage ?

- Très bien.
- Vous avez livré votre mortier sans encombre ? Ils sont très sévères au check-point. 
- Aucun souci. Je viens souvent ici.
- Dieu vous bénisse… Alors comment te portes-tu jeune fille ?
- Bien.
- Tu as mauvaise mine. D’où viennent ces vilaines blessures sur ton visage ?
- Un client.
- Tu en vois encore ?
- Faut bien bouffer ma sœur. 
- Parle mieux que ça. 
- Pour quoi faire ?
- Parce que le Seigneur te regarde. 
- Ah ouais… Ben qu’il reluque alors ce vieux pervers »


Sœur Corinne marque un temps :
« Bon le bébé a l’air de bien se porter. Ton ventre est bien rond. Tu le sens bouger ?
- Il donne des coups ouais. 
- C’est bon signe.
- Ché pas »

Extrait de « Reine-Mère », nouvelle en cours d’écriture.

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