L’enfant est peut-être mort



La sortie de route est terrible mais presque irréelle. Les tirs d’armes automatiques ne sont plus que des pétarades lointaines. C0 est une lueur légère sur l’horizon.
Elle tente de se relever mais ses jambes sont coincées sous le tableau de bord. Elle a très mal à son épaule droite. Son homme lui a broyé en essayant de la retenir mais elle lui a asséné un coup de boule qui l’a fait basculer en arrière. La voiture a toussoté avant de démarrer mais plus rien ne pouvait la stopper, pas même les deux gardes du check-point qui ont vidé leurs chargeurs dans la carrosserie.
La peur de crever dans l’habitable défoncé lui donne assez de rage et de force pour se dégager. L’enfant est peut-être mort. Peut-être ne l’est-il pas, auquel cas ce sera une force de la nature. La bouche sèche, les plaies rouvertes sur le visage, les bosses, hématomes, les coupures… Elle est en pièce. Elle pue la crasse. Elle sent la mort. La nuit est noire, une épaisse couche de nuages couvrant le ciel. L’un des phares fonctionnent encore. Une forêt peu épaisse aux arbres agonisants semble s’étendre devant elle. Derrière, la lueur orangée de C0 indique l’entrée de l’enfer. Elle s’effondre contre le capot renversé, les fesses confortablement calées dans l’humus asséché. Ses pensées sont chaotiques. Le sommeil l’emporte sur l’envie de fuir plus loin.
Extrait de « Reine-Mère »

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