Sa fraîcheur baisable est abîmée



Tout le monde est ivre. Elle a les yeux qui brillent lorsqu’elle regarde son homme, son « amoureux », son salopard. Il s’est absenté pendant qu’elle terminait une nouvelle bouteille de bière.
La grosse fille aux cheveux ébouriffés sort de la réserve en réajustant son jean. Les hommes reluquent, bavent, les hommes veulent leur part, le morceau du gâteau de chair. Son homme n’est pas réapparu. Le sang fait un tour, ses mains tremblent, les muscles durcissent. Elle saute de son tabouret et se rue sur cette pute, lui agrippe les cheveux et la tire en arrière. Ses longs ongles tracent des tranchées profondes dans le visage de la rivale. Le sang coule abondamment, les cris de la victime sont étouffés par la douleur atroce provoquée par les crocs qui lui écrasent et transpercent la trachée.
La race. La sève. Pourprée. La fièvre. Le jus. Le courroux. Les veines. La faim. Le corps. Par terre. Elle se relève et fixe la victime. Les spasmes. Les cris. La bête. La pute. La force. Elle assène un coup de pied dans ses côtes, deux trois coups de poing dans les seins. Les hommes rient. Les hommes commentent. Ils profitent. Certains s’énervent. La petite est démolie, sa fraîcheur baisable est abîmée. Un homme se lève. Une masse. Deux mètres. Des mains immenses. Des bras massifs. A l’instant où ses doigts vont secouer la tête de la rebelle, « l’amoureux » lui explose le sternum à coups de barre de fer. « Touche pas à ma femme gros plein d’soupe ».
La déferlante. La baston générale. Un fusil à pompe arrache un coude, une gorge, un pied dans la mêlée. Ils sortent tous les deux, main dans la main, sous la pluie battante, leur course folle dans la boue épaisse de la rue principale. Pour rejoindre le couvent, ils se faufilent dans les ruelles, à l’abri d’éventuels poursuivants. Libres. Hors d’haleine. Soulagés. Piégés. Ligotés. Au monde. Suffoquant.
Extrait de « Reine-Mère »

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