Ces éditeurs qui n'aiment pas vraiment la littérature




Le principe c'est qu'on signe un contrat avant que le manuscrit adoré ne soit reformaté au goût de l'éditeur. C'est le principe de la contractualisation. .. Sinon l'éditeur n'en est pas un. Précisément il doit s'engager. Je bosse actuellement sur un livre et l'éditeur a signé avec moi en ne connaissant pas la moitié du travail. J'écris, ensuite on retravaille lui et moi et on publie une fois d'accord. C'est ça le boulot d'un vrai éditeur, ça n'est pas de prendre des romans terminés qu'il faut juste corriger grammaticalement et orthographiquement. Sans ça un mec comme Louis Calaferte et tant d'autres n'auraient jamais été édités. Aujourd'hui les éditeurs cherchent des potentiels mais ne veulent pas faire l'effort et prendre le risque en signant... cet éditeur que je connais depuis longtemps, je sais ce qu'il veut. Il veut des histoires faciles pour un jeune public, il ne cherche pas une œuvre engagée. Ça fait dix ans qu'on se connaît lui et moi. On se respecte, mais lui veut raconter des histoires et moi je veux écrire des abysses. Sa critique ici est vraiment constructive et flatteuse mais je suis l'artiste, sa matière première. Il a une cible commerciale qui me condamnerait à tuer le fond de ce livre, sa complexité mais aussi sa teneur politique borderline... Lui et moi signeront ensemble un jour si je parviens à pondre son format narratif (classique et commercialement sans risque étant donné la cible), mais écrire « Robert de Niro n'est plus un héros », c'était précisément de composer une toile déstructurée et dadaïste qui impose au spectateur un effort pour se l'accaparer.. . Dans ce monde marchand, c'est à l'artiste de faire tous les efforts pour simplifier la vie des consommateurs formatés et paresseux. Lorsqu'on est un artiste qui envoie des boulets de canon ou des rayons atomiques sur ce monde marchand, on ne peut pas à se soumettre à la paresse des consommateurs paresseux. Burroughs, pour ne citer que lui, n'aurait édité que « Junky »!
Tant pis pour la gloire, tant pis pour l'argent, tant pis pour le succès ! Si un écrivain n'est qu'un ouvrier qualifié au service de la littérature industrielle, alors je ne suis pas un écrivain...

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