Basculons-nous dans la dictature?



La plupart des gens utilisent internet en qualité "d'honnêtes gens" qui n'ont "rien à cacher". Ils agissent en s'en tapant pas mal puisqu'ils sont "honnêtes", qu'ils ne sont pas des criminels, qu'ils sont tout sauf des délinquants.
Seulement voilà, un jour on fait un don pour soutenir (à tort ou à raison mais tout à fait légalement) une cause, une personne, un projet, une idée, une opinion. On poste un simple commentaire. On traite de con un membre du gouvernement. On dit qu'on aime dépasser les limites de vitesse, détruire les rosiers du voisin, on affirme sa foi ou son anticléricalisme, on poste une photo de soi dans une manif ou un pique-nique de soutien à telle association ou telle marque... Bref on est monsieur et madame tout le monde et tout d'un coup, on est convoqué par la police pour s'expliquer...
On n'en avait rien à foutre de la loi renseignements, de la loi Travail, des lois sécuritaires, normal on a rien à se reprocher hein. On est honnête, on paie ses factures, ses impôts en temps et en heure. On prend des vacances, on élève ses enfants. On est honnête quoi. On a rien à se reprocher... Jusqu'au jour où des lois renseignements, des lois sécuritaires, des lois travail et tout autre loi restreignant les libertés et les protections des citoyens sont votées. On a donné une pièce à un sans-papier, on a écrit que le président était un salaud, on a affirmé que son patron était un arnaqueur sans pouvoir le prouver devant un juge et on se retrouve au poste. Quelques heures. "Juste" pour savoir pourquoi on a fait ça, pourquoi on a dit ça, pourquoi on a pensé ça. On est honnête, on n'a rien à se reprocher, et on fait face à un policier qui pose des questions accusatoires, sans ménagement...
On ne l'a pas vu venir puisqu'on est innocent, on n'est pas un délinquant. On vote à chaque élection, on paie ses impôts, on rembourse ses crédits, on élève ses enfants. On fait bien tout ce que la société exige de nous pour être des citoyens honnêtes, bien sous tous rapports... Et nous voilà interrogés.
Au fil des années des lois sont votées. On nous dit que c'est pour lutter contre la délinquance, contre le terrorisme, contre l'insécurité. Alors puisque la cause invoquée est la bonne, pourquoi l'ouvrir ? Pourquoi les contester ? Jusqu'au jour où on est en colère de voir les carburants augmenter et qu'on souhaite s'y opposer, jusqu'au jour où les banques ont besoin d'être renflouées et que la loi autorise à vider nos comptes de nos maigres économies, jusqu'au jour où on se dit que ces réfugiés avec femmes et enfants en bas de chez soi ne doivent plus souffrir de la faim, de la pluie et du froid, où on décide de leur donner un coup de main... Et nous voilà devant un fonctionnaire de police un peu hostile, très accusateur qui nous demande pourquoi on est en colère, pourquoi on a fait ça. Le policier sonde l'esprit. Jusqu'à présent, il ne fait que vous intimider.
Cette garde-à-vue vous fera réfléchir à deux fois avant de vous mettre en colère à nouveau, avant de vous manifester pour défendre vos intérêts ou ceux des autres. Cette garde-à-vue n'est encore qu'une mise en garde. On y raconte qu'on a enfreint une loi dont on n'a jamais entendu parler. Mais dans une garde-à-vue, on est comme à nu, sans lacets, sans ceinture, sans papier, sans accès à l'extérieur pour vérifier la véracité des accusations qu'on subit. On est seul. On est mal accompagné. On est harcelé. On est poussé à dire que l'on recommencera pas, que l'on ne refera pas cette vilaine bêtise, que l'on se tiendra à carreaux.
Au fil des années, les lois de surveillance du citoyen, les lois sécuritaires, les lois de lutte contre le "terrorisme" se durcissent, Chapitre par chapitre, article par article, alinéa par alinéa. On est mis en accusation pour ce qu'on pensait être des libertés individuelles mais en réalité, la seule liberté que l'on a, aujourd'hui, c'est de se taire, se coucher, accepter sans broncher les gouvernants. Ces gouvernants sont une grande famille. Ils sont des politiques, des journalistes mainstream, des milliardaires et des cohortes d'idiots utiles, d'honnêtes citoyens, qui n'ont rien à se reprocher...
Lorsqu'on sort de garde-à-vue, on passe parfois devant un juge, même si l'on n'est pas condamné, on est marqué à la culotte, parfois viré de son travail, rejeté par ses proches, parce que le patron, le tonton, la maman ou le cousin sont eux d'honnêtes gens, qui n'ont rien à se reprocher, qui n'aiment pas les délinquants et tout le monde sait, hein, que si on a été convoqué par la police, c'est bien qu'on a quelque chose à se reprocher... Hein.
Et quelques années encore, pour parachever ce long travail d'érosion des libertés, qui mènera à l'emprisonnement des récalcitrants ou des potentiels réfractaires au pouvoir... Qui mènera ensuite, tranquillement, à l'élimination de ces récalcitrants et potentiels réfractaires... de la surface du territoire puis de la Terre entière...
Mais bon, vous n'avez rien à vous reprocher hein ? Vous, vous êtes des honnêtes gens...

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