C'est le diable qui se niche dans le derme d'autrui



"On dit que c'est la faute des autres, on dit que c'est le diable qui se niche dans le derme d'autrui. On ne reconnait jamais que l'on a tort, on ne reconnait jamais que l'on est mort, on ne touche que ses petits sous, on ne fait que consommer avec ses petits sous, on baise pour éjecter sa haine, pour se mettre un morceau de la viande de l'autre dans le gosier, on se donne des petits noms, on s'offre des petits cadeaux, on se pourlèche comme des cons.

Mais on a tort, on est en faute, on n'est seuls responsables, on est nés là où on n'a voulu naître, on est nés là où on a choisi de naître. Généralement.

Alors pourquoi des montagnes de cons demandent à se faire enterrer dans le cimetière de leurs ancêtres?

Parce qu'ils leur faisaient de petits cadeaux? Parce qu'ils éjectaient leur haine dans un sursaut sourd et volcanique? Parce qu'ils baisaient? Se faisaient baiser? Parce qu'ils rejetaient leurs fautes sur eux?

Non.

Ils y vont après leur dernier souffle parce qu'ils sont nés là où ils voulaient naître, parce qu'ils ont vécu là où ils voulaient vivre. Parce qu'ils ont eu les cancers qu'ils réclamaient, parce qu'ils ont eu la famine et la dictature qu'ils ont revendiqué, parce qu'ils ont été fauchés par les bombes qu'ils souhaitaient, parce qu'ils ont tué, parce qu'ils se sont faits tuer, parce qu'ils se sont faits déchiqueter dans un accident, parce qu'ils ont contracté les maladies orphelines, parce qu'ils ont contracté les maladies chroniques, parce qu'ils ont appelé les coups de leurs parents, les viols de leurs prêtres, de leurs pères, de leurs mauvaises rencontres! Parce qu'ils ont porté les coups, parce qu'ils ont contracté les infections qu'ils ont choisi, parce qu'ils ont perdu l'emploi qu'ils ont décidé de perdre. Ils ne reconnaissent jamais qu'ils ont tort, ils ne reconnaissent RIEN!

ILS CRIENT A LEUR INNOCENCE!

Ils sont pourtant coupables et responsables du premier au dernier jour de vies pathétiques. Ils sont responsables de leurs rêves merdiques de confort, de vacances, d'amour. Ils ont voulu, les guerres nucléaires, sans bouger le petit doigt, ils ont voulu les massacres, les génocides, ils ont perpétré la destruction de la vie sur Terre! Ils ont voulu l'enfer, ils nous ont pondus l'enfer. Ils ont voulu les cloches qui sonnent, les muezzins, ils ont voulu les BOUM BOUM du mur du son, ils ont voulu les accoudoir, les programmes télé de merde, ils ont voulu les Saint-Valentin, les Noël, les attentats, les corps laissés aux bouchers, ils ont voulu la MORT en criant "VIVE LA VIE", ils ont des têtes d'ange couverte par la cagoule du bourreau, ils sont tous fous, ils se disent tous INNOCENTS!

Ils sont nés là où ils ont voulu naître, ils ont voulu vivre et survivre là où ils ont vécu, ils ont chié, pissé, mangé, ils ont éjaculé les uns dans les autres, ils ont mouillé les uns sur les autres dès que leur morphologie leur a permis, ils se sont suicidé, ils ont crevé des yeux, ils ont obéi et donné des ordres en tous sens parce qu'ils le voulaient..."

Le silence s'est installé dans le bar. Polo est un peu saoul, la bave à la commissure de ses lèvres. Le patron s'est tu, adossé à son bar. Il ne bronche pas.

"Vous fermez tous vos gueules parce que vous le voulez. Vous ne me sautez pas à la gorge parce que vous le voulez. Vous êtes les prochains sur la liste parce que vous le voulez bien, bande de veaux, chiens d'égout. Vous me laissez dire, vous accusez le coup parce que je suis un maître! Je suis un boss! Vous ne bronchez pas parce que vous savez que je suis allé là-bas, que je suis allé là-haut, que j'ai dessiné les plans pour creuser votre tombe si vous osez lever le petit doigt sur moi. TOI!"

Un type énorme au bout du bar sursaute. Ses yeux sont rouges sang.

"Moi?
- Ouais toi. Tu vas sortir avec moi.
- Mais pourquoi?
- Tu es élu! Tu es mon élu du jour!
- Je veux pas. J'ai une famille. S'il vous plait.
- Lève-toi et sors.
- S'il vous plait.
- C'est ça ou la mort. Tu as le choix, tu vois? Tu entends les cloches au loin? Les cloches de la grande usine. Elles annoncent la prochaine production. Ne tremble pas comme une feuille. Je sais que tu es ému.
- Pitié. Je peux vous donner le nom de quelqu'un qui mérite d'y aller.
- Rhoooo le lâche!
- Non je veux aider!
- D'accord tu as donc le choix. Soit tu meurs, soit tu viens avec moi, soit tu nommes n'importe lequel des connards présents ici.
- J'ai le nom de quelqu'un d'autres. Je ne connais pas les gens ici. Je ne vais pas en dénoncer.
- Ok, tu as le choix. Soit tu meurs, soit tu viens avec moi, soit tu nommes n'importe lequel des connards présents ici et en plus, tu me donnes le nom de celui que tu as choisi! Tu as dix secondes... Neuf... Huit... Sept...
- C'est Kevin Heggans! Il vit dans la quatrième-rue-nord au numéro 5.
- Et celui du bar que tu choisis? Car tu as le choix. Soit tu te choisis, soit tu nommes un autre connard ici."

Le type hésite, puis pointe l'index vers le barman qui se met à trembler avant de se jeter sous le bar pour y attraper le fusil à pompe et tirer dans le visage du gros type. La tête explose. Le corps énorme s'effondre du tabouret. Silence. Polo sourit.

"Comment tu t'appelles toi le tireur fou?
- Jacques.
- Alors Jacques, tu viens de dézinguer mon premier choix. Tu as choisi de le tuer. Je te demande donc de choisir un autre type dans ce bar. Il viendra avec moi. Dépêche-toi, les cloches sonnent plus forts.
- Mais je ne veux pas.
- Si tu veux. Tu ne vas pas me tirer dessus. Tu le sais déjà. Tu vas donc choisir. Allez! Allez! Pour une fois que tu as une décision à prendre!
- Lui".

Il pointe son doigt vers un vieillard ivre dans le coin de la salle juste à côté du flipper en panne.

"Excellent choix. Donne-moi ton arme".

Le barman hésite avant de remettre le fusil à pompes à Polo qui l'arme, se lève et avance dans le bar. Face au vieillard, il chantonne "Bel azur, bel azur, jusqu'à l'usure..." avant de tirer dans le cœur du papy. "Papy gâteau, t'es mort trop tôt. Mauvais choix. Dernière chance. Choisis le bon. Concentre-toi bon sang".

Le barman est frappé par des tremblements incontrôlables. Il vise un jeune ouvrier accoudé au bar.

"C'est mieux. Bon choix. Allez le blondinet, lève-toi, on s'en va".

Le jeune homme s'exécute sans broncher. Ses yeux remplis de larmes.

"C'est pas si terrible hein. Tu verras. Regarde-moi. J'ai l'air d'aller mal? Oui bon, c'est vrai, tu ne seras jamais hissé à mon rang, mais tu seras du bon côté du monde mon petit".

Ils se dirigent vers la sortie. Polo se retourne, arme le fusil et tire sur le barman qui s'écroule. L'assemblée constituée d'une quinzaine de types est médusée.

Polo pose l'arme sur une table, pousse la porte et invite le jeune homme à monter dans sa voiture. Le monteur gronde. Direction la quatrième-rue-nord au numéro 5.

A suivre...

Les silhouettes fantomatiques non-genrées (Nouvelle en cours d'écriture)

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