Médaille en chocolat pour les personnels soignants






Ne soyons pas trop durs avec nos dirigeants. Vous, le petit peuple, pensez toujours que vous êtes face à des monstres inhumains ou des êtres dénués de cœur. Loin de là, ils sont totalement pourvus de sentiments. Ils aiment leurs enfants, leurs conjoints, leurs parents, leurs amis. La plupart du temps. Ils aiment les gens aussi, les "vrais gens" comme disent certains d'entre eux, étant entendu qu'ils considèrent que "la vraie vie", c'est là où gesticulent les citoyens. Ils voient un peu ça comme les lions ou les éléphants. Ils ne veulent pas leur disparition sans quoi ils n'auraient plus rien à chasser. Comme le disait Léni Escudero:

"Les gens qui n'aiment pas les bêtes, ils n'aiment pas les gens (murmure d'approbation de la foule...). Ben voyons... Les nazis, ils en avaient des chiens, et ils les aimaient bien."

La citation peut paraître excessive mais en y réfléchissant un peu, nous n'en sommes pas très loin. 

Nos dirigeants, nos élites, plus globalement (si l'on admet le fait que le pouvoir est un conglomérat de divisions alliés autour d'intérêts communs, il est nécessaire d'y inclure également les patrons de presse, les dirigeants de banques, les boss de multinationales, les secrétaires généraux des lobbies industriels et boursiers, etc.) souffrent d'un mal qui ne rongent pas qu'eux. Ce sont des technocrates, des contrôleurs de gestion ou encore des chefs de projet. Bref, ils sont à l'image de nos systèmes : hyper-encrés dans la société de service. 

Une fois qu'ils quittent leur foyer, qu'ils ont fait un bisou à leur gosse ou à leur conjoint, ils vont travailler. Et leur travail consiste à gérer des projets. Cela nécessite de planifier, de réagir aux imprévus, de tester, de valider et surtout de livrer le produit fini. Ils ont appris ça dans leurs hautes écoles ou dans le milieu dans lequel ils évoluent (entourage, catégorie sociale, politique, religieuse, culturelle, etc.)

Pour les personnels soignants, c'est exactement la même chose. Nos élites, lorsqu'elles doivent être hospitalisées sont comme vous et moi. Elles sont fragiles, laissées aux mains professionnelles de personnes qui peuvent les soigner, les accompagner, les soulager, les guérir. Ce sont alors des êtres humains classiques. Au boulot, les élites doivent mettre en place des projets (budget, politique internationale, réformes, stratégie de propagande euh... de communication et de relations publiques, etc.) , avec leurs cahiers des charges, leurs données techniques, leurs indicateurs statistiques et financiers. 

Les personnels soignants sont donc des "ressources équivalent temps plein" (on utilise l'acronyme ETP). Un infirmier ETP, c'est théoriquement quelqu'un qui bosse 35 heures. On y ajoute, après calcul, une moyenne des heures supplémentaires effectuées. On n'oublie pas le taux d'absentéisme. On y joint ensuite un salaire moyen calculé sur l'ensemble de "la masse salariale" à un moment T, intégrant l'ancienneté, les primes, et tout le tralala. Bon là, je simplifie. Il y a beaucoup d'autres critères. L'un d'entre eux, c'est l'occupation des lits. Un lit, c'est un temps d'occupation par un patient. Ce patient est une entité/unité tout comme le personnel qui soigne. L'entité occupante nécessite X ETP, X actes de soin, X ci et ça. Bref, il coûte "un pognon de dingue". 

Une fois que l'on détient ces données -elles paraissent ultra précises, limite science exacte alors qu'en réalité, elles sont toutes manipulées, trafiquées, détournées par tous ceux qui en ont usage- il n'y a plus qu'à! 

Tout ça n'est pas répréhensible. Si on reproche ça à nos élites, on ne peut que se le reprocher à nous-même. 

Voilà la raison pour laquelle nos chères élites en sont arrivées à la réflexion suivante: "Apparemment, les gens sont sensibles au travail de ceux qui ont pris en charge les "Unités Patients". Nous devons aller jusqu'au bout du projet. Il s'agit d'un imprévu. Cette épidémie est une donnée à ajouter à l'organigramme. Afin de bien manager la populace, je propose une prime de 1500€ pour les zones que nous avons topées en tension (rouge), et de 500€ pour les zones vertes. J'ajoute qu'apparemment, les gens ont besoin qu'on estime ce qu'ils font. Ces ETP sont doués d'émotions, de pensées, c'est pourquoi je propose d'ajouter une médaille. C'est une gratification qui fonctionnait parfaitement en URSS ou encore en République Populaire de Chine. Avec ça, nous pourrons continuer à avancer. ça les apaisera. Une question mes chers hauts-fonctionnaires. Où en est-on du développement des IA (Intelligence artificielle) qui pourraient éventuellement remplacer certains ETP trop émotifs?"

Critiquer nos élites est un peu facile quand on songe que tout le monde joue sa partie. Eux réfléchissent en macro alors que les personnels soignants pensent en micro. Ces derniers n'ont aucune notion de ce qui se trame, parce qu'ils ont la tête dans le guidon. Ils ne voient que le manque de lits, la dégradation des locaux, le manque de matériel et de personnels. Ils sont donc incapables de voir les choses à l'échelle nationale. 

Trêve d'ironie. Notre système, en France, est hyper-centralisé. Certes il y a l'ARS (agence régionale de santé) mais qui n'est qu'un échelon dans la longue chaîne hiérarchique qui pilote le paquebot épuisé qu'est ce pays. L'auxiliaire de vie fait ce que le chef de service dit, l'aide-soignant aussi, l'infirmier également, le médecin aussi, le directeur de l'hôpital également, le directeur départemental aussi, le directeur régional aussi, etc. Jusqu'au président qui a aussi des comptes à rendre aux créanciers de la France, à savoir ses copains du MEDEF et du secteur bancaire et financier. L'auxiliaire de vie ne comprend pas pourquoi il ne peut changer que trois fois au lieu de cinq les couches du patient X et pour cause, il n'est qu'un exécutant. Payé au lance-pierre, dans l'incapacité de juger des pilotages managériaux. Son manager est lui-même en incapacité de comprendre pourquoi on lui demande de favoriser la productivité de ses équipes (hormis pour faire des économies et optimiser les ETP sous son aile). Ce manager reçoit des tableaux de pilotage, des injonctions et des plans d'action qui sabotent généralement tout ce qui a été fait auparavant. Pourquoi? Parce qu'un chargé de mission ou un directeur régional s'est mis en tête de bien appliquer les directives de ses propres supérieurs. 

J'appelle ça un système libéral à la sauce soviétique. L'URSS s'est écroulée non parce que c'était un régime dictatorial mais parce qu'il ne produisait pas de "richesses" (entendez du fric, des bénéfices, des dividendes, etc.). La Chine l'a compris dès la fin des années 70 atteignant aujourd'hui son apogée. On maintient un système dictatorial teinté de communisme mais on lâche la bride pour la partie production et financiarisation de celle-ci. La France s'est jetée à corps perdu dans l'ultra-libéralisme mais en gardant une structure administrative soviétique. Une pyramide hiérarchique et une armée mexicaine pour mener la bataille. 

Une fois que j'ai dit tout ça, vous allez me dire: tu râles mais tu ne proposes rien. Mais si mais si. Il y a actuellement dans les grandes entreprises une technique de management qui consiste à "parier sur la confiance" et "responsabiliser les collaborateurs". En gros, on laisse une marge de décision à tous les échelons, y compris à la base. L'audace, l'innovation, l'initiative sont les maîtres-mots de ce management tout droit arrivé des Etats-Unis. ça paraît couler de source. D'une logique imparable. Quand chacun se sent écouté et participe aux choix tactiques et stratégiques, il ne peut que se sentir considéré et s'investira d'autant plus. ça fonctionne parfaitement jusqu'aux plus bas échelons hiérarchiques, mais ça s'arrête hélas au niveau des "exécutants", entendez les employés. Pourquoi? Parce que ce management vend du rêve, laisse croire en l'implication et la considération de tous. ça ressemble fort aux cahiers de doléances du fameux "Grand Débat National" de Macron. Ils ont tous fini à la benne à ordures. Mais ça calme les ardeurs des moins virulents et ça crée le doute. 

La solution est donc fort simple: transformer la France en Etat fédéral pour casser les multiples chaînes de décisions. Inclure dans chaque conseil d'administration public ou privé des employés, des agents de maîtrise dans une proportion telle qu'ils seront des forces de blocage et de propositions en cas de mauvais choix. Et enfin, il faut imposer une échelle de salaires à tous: salaire minimum, et salaire maximum (avec un écart de 5/10/30, je n'en sais rien). Mais vous allez me dire que je ne suis qu'un affreux gauchiste ! Et bien non. Je suis un affreux réaliste. Tant que ce système perdurera où ceux d'en bas n'auront d'autre choix que de se plier aux décisions souvent irrationnelles et intéressées de ceux d'en haut, il n'y aura ni justice, ni tranquillité. Il est aussi bien entendu que dès que ce que je propose sera mis en place, l'injustice et l'inefficacité seront de mise. Pourquoi? Parce qu'on n'y arrivera jamais et que l'être humain est ainsi fait qu'il n'usera toujours son intelligence que pour détruire tout ce qu'il construit. Les "égalitaristes" sont des fanatiques comme les autres. Ils sont l'une des faces d'une même pièce avec les "égoïstes". Ils se soutiennent mutuellement. Les égalitaristes veulent avoir raison et considèrent les égoïstes comme un obstacle à leur monde idéal. Ils finiront donc par faire ce que les soviétiques et les chinois ont fait: ils les élimineront de leur système (bannissement, enfermement, mise à mort). 

Il n'y a pas de bon système. Il n'y a que des options. 

 





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