Pour que cessent les discours victimaires



Si j'étalais ma vie sur les réseaux sociaux, purée je pourrais mener un combat de victime catégorie poids lourd. Mais mon vécu et mon choix de m'extirper du statut de "victime de" donne bien plus de force à mes positions. Ainsi j'ai de nombreuses victimes de la même chose que moi qui viennent me balancer à la gueule que je ne dis que de la merde sur le sujet parce que je n'aurais pas vécu ça. Pas de chance je l'ai vécu dans tout mon être. Seulement je ne suis pas la vérité sur le sujet.

Quand j'étais plus jeune, je jetais à la gueule de ceux qui n'avaient pas subi la même chose qu'ils étaient "aveuglés par leurs privileges." Depuis je trouve que cette phase victimaire de ma vie n'a fait que gâcher ma jeunesse tout en ne faisant rien avancer, au contraire.

Heureusement que les réseaux sociaux n'existaient pas à cette époque-là sinon j'aurais fait partie de ces essentialistes autoritaires combattant à coups de hashtags. Comme le dit justement David Coulon, ce n'est pas parce qu'on est une victime que l'on porte au mieux le combat que l'on mène. C'est même parfois le contraire.

Il y a nécessairement une phase de colère lorsque l'on a été victime et la seule forme qui nous porte alors, c'est la vengeance. Cette vengeance se traduit par la catégorisation de l'autre. Il ressemble à mon bourreau par ses caractéristiques biologiques et/ou social, DONC il est le bourreau. On a vite fait des raccourcis.

Quand j'étais dans cette phase de colère, cherchant à échapper à ma propre existence, j'ai mené des luttes qui semblaient me donner raison et m'offrir l'occasion de me venger. Cette vengeance, je l'appelais "la lutte". Je luttais pour que ça n'arrive pas à d'autres mais je les essentialisais en réalité. Chacun emprunte un chemin qui lui est propre, qui le libère des chaînes de ses souffrances ou qui l'enferme à jamais.

Pour ma part, je me suis enchaîné longtemps à ces souffrances et j'ai failli passer l'arme à gauche ou même mettre la vie d'autrui en danger de mort. Jusqu'à ce que j'émerge. Après la colère succéda la dépression, les abus puis, comme par miracle, et parce que j'avais réussi à passer le tunnel infernal d'une quinzaine d'années, mes yeux se sont ouverts sur d'autres horizons.

Et tout en étant toujours révolté et blessé par ceux qui étaient et sont victimes en direct d'une forme sociale et/ou intime d'une oppression, je n'ai plus categorisé le monde entre ceux de ma "communauté de souffrance" et ceux qui n'en étaient pas. Il a fallu que je revois totalement ma conception du "Mal". En voulant me venger de mon passé oppressé, je voulais à mon tour oppresser ceux que je categorisais. J'ai, à la force d'une lutte violente contre moi-même, regardé les choses autrement. Et mes positions actuelles sont la conséquence de ce cheminement. C'est peut-être un tort mais je m'en porte beaucoup mieux. Je préfère comprendre que de classifier.

J'ai été moi aussi victime d'une posture victimaire et je m'en suis libéré. À vous de jouer.

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