Pour les porcs qui aiment les porcs. Body/body touch. Journul intime 32.

 



Pour les porcs qui aiment les porcs. Body/body touch.
Si vous ne lisez pas ce texte jusqu'au bout, vous n'y comprendrez rien.
« Dénonçant la barbarie de Pékin envers les Ouïghours, le gouvernement britannique a annoncé des mesures pour empêcher les marchandises liées au travail forcé présumé de cette minorité musulmane dans la région du Xinjiang d'arriver jusqu'aux consommateurs britanniques. »
On s'attend à m'entendre dire que c'est bidon, que c'est de la merde, du moins ceux qui n'ont jamais pris la peine de lire.
Car pour moi le Brexit, Trump ou le gouvernement polonais sont la peste et pour autant les dirigeants lourdement marqués par l'ultra libéralisme "progressiste" sont le choléra. Vous connaissez l'expression : je ne choisirai pas entre les deux.
Tout ça, pour la France, n'est qu'un débat entre parisiens, en aucun cas une priorité ou l'ombre d'une chiasse de discussion dans les banlieues, les campagnes, les petites villes et moyennes. La question qui se pose dans la France dite périphérique, c'est pourquoi les Bourges nous cassent les couilles avec des questions sociétales tout en mollardant sur les fractures sociales massives.
Bref les porcs aiment les porcs...
Jusque-là vous ne comprenez pas où je veux en venir. Tout à l'heure, nous buvions et mangions entre amis, des vrais. Dans l'échange, puisque nous parlions de psychiatrie, de psychologie, j'ai simplement demandé si au Darfour, on se souciait de savoir si untel ou tel autre, était détecté bipolaire, autiste, souffrant d'un problème de choix de genre ou de sexualité.
Absolument pas.
Le fond de toute chose, de toute réflexion quand on se dit "de gauche", c'est de se pencher sur les fêlures sociales, les injustices sociales. Tout le reste n'est que branlette de privilégiés.
Quand on n'a jamais vécu l'effroi de ne pas savoir si l'on va pouvoir bouffer le lendemain. Pas choisir ce que l'on va manger, mais manger tout court. On pourra me rétorquer : « Mais espèce d'enculé de bouffon de chien branleur, tu connais quoi toi dans tout ton confort. »
J'ai pas l'air, mais je l'ai vécu tout ça. Attention pas au Darfour ! J'étais un nabab à côté d'eux. Mais je ne l'ai pas étalé à la face des rares proches qu'il me restait à cette époque-là, mais j'ai vécu, à 2, dans un 7 mètres carrés durant quelques années puis dans un 18 mètres carrés, ouhaaa, à 2 puis seul. Parce que s'aimer avec un grand jardin, une belle maison, quelques milliers d'euros de côté, une ou deux bagnoles, des abonnements Velib et épiceries bio du quartier, ça n'est pas forcément facile. Mieux avec un petit appartement à Paris mais avec une petite résidence secondaire chez les "bouseux".
Mais à deux dans un truc aussi grand qu'une demi-pièce chez les autres, la vie en couple, c'est un peu comme si un alien te mangeait les boyaux. Je te parle de ma vie de 1993 à 2003. Finalement quand j'étais seul, alors que je "servais l'état", sans autres moyens que ceux que l'Etat généreux m'octroyait, j'ai commencé (pas fini) aux restos du cœur. J'y étais bénévole en hiver. Je faisais du service d'ordre. Ben oui il y a un service d'ordre dans certains restos du cœur. Moi c'était à pontoise. Dans une piscine désaffectée. On était polyvalents même si on avait des rôles. On était à la manutention à 6h00 du mat pour l'arrivée des marchandises. Ça caillait. Avant en hiver, il faisait encore froid. Moi je n'étais pas gelé. J'étais toujours en treillis, docs, gros pull, manteau militaire. Les gauchistes m'auraient traité de survivaliste fasciste. Mais à l'époque c'était les CRS qui me cachaient dessus (vrai archi vrai) parce que j'achetais des destocks de l'armée allemande. Ils me traitaient de nazis fascistes... Alors ensuite on répartissait les victuailles pour constituer les "paniers". C'était le couple Capitaine, un monsieur très rude et une dame très sévère et très généreuse, des bretons, qui tenaient la barre. Ils sont morts d'un cancer à 6 mois d'intervalle tous les deux un peu plus tard.
Ensuite, à l'ouverture des portes, tandis que le froid s'installait, chacun prenait son poste. C'est comme dans n'importe quel boulot. Moi j'étais avec Cyril, un gros branleur d'une force inouïe. Il était étudiant pour devenir prof de sport. Il adorait le surf. Il ne vivait que des saisons. En hiver au ski, en été en Grèce ou en Espagne pour coatcher les vieilles peaux bourgeoises pour perdre du poids. Cyril s'en branlait de la littérature. Il trouvait ça relou. Alors, à l'époque j'écrivais déjà ou encore 3-4 heures par jour, je n'étais pas publié, dès que je lui parlais de mes écrits, il me disait "je m'en branle, ça sert à rien ces conneries".
Pourtant si j'étais dans le service d'ordre des restos du cœur, c'était grâce à lui que j'en faisais partie. Il était la providence. Vous ne savez peut-être pas mais chez les pauvres, ça n'est pas du tout une digue de béatitude généreuse imbibée de l'idée de partage et d'amour. Il y avait des fils de pute, dans tous les sens du terme, qui venaient prendre la bouffe pour ne pas sortir un rond de leur poche. Ils défonçaient la gueule de vieux messieurs, de mamans, de SDF pour passer devant. C'est là que j'entrais en jeu. À 7 ou 8 heures du matin, parfois vers 10h00 ou 11h00. Au début, je ne savais pas doser. J'étais agressif. Mais Cyril venait avec son putain de charisme décontracté et chopait le mec au colbac et lui balançait: « Toi tu vas te faire enculer fils de pute, tu fais la queue ou je te défonce sous chien." Le sourire des mamans, des bonshommes, des culs terreux faisaient plaisir à voir.
Alors je m'y suis mis. J'étais OK avec tous ces gens. J'ai donc pris mon rôle de service d'ordre au sérieux mais à la différence avec Cyril, c'est que je me suis mis à faire la leçon aux fils de pute. Un matin un mec, un rebeu à voiler sa femme parce que son cerveau n'avait pas d'autre instruction que son intelligence moyenâgeuse, se gare devant l'entrée des restos avec sa Mercedes de beauf (oui c'est une bagnole de beauf, l'allemand ne vend et n'aime que les beaufs, croix de bois, croix de fer si je mens... Racisme légitime je suis Ardennais... ), et le mec passe devant tout le monde. Il éructe quand des dames, blanches, africaines, asiatiques, quelques bonhommes sans corps lui disent qu'ils font la queue. Moi j'étais hardcore mais pas à une heure aussi matinale, je lui ai demandé d'aller faire la queue. Il m'a alors dit d'aller me faire enculer. Je lui ai répondu que j'aimais ça. Évidemment il a éructé.
Alors je vous raconte ce que j'ai fait ou ce que j'ai eu envie de faire ?
Allez le fantasme : Je lui ai dit de se calmer. Je l'ai recadré. Il a compris et il est parti faire la queue.
Et la réalité, je l'ai attrapé par le col, je lui ai explosé la gueule contre un mur.
Je déconne, le fantasme est la vraie version.
Souvent il n'était pas utile d'en venir aux mains. C'est arrivé pas mal de fois, certes.
Bon, au fil de la matinée, et plus midi approchait, je finissais par boire des cafés avec des gens (on distribuait des petits jus de chaussettes pour ceux qui avaient envie de discuter), c'était sympa avec les petits patrons qui avaient fait faillite, les salariés qui s'étaient faits jeter par leur patron. Que vous trouviez ça bien ou mal, c'était ceux que je préférais. Je n'aimais pas cette masse de glandards venus de l'étranger qui te traitaient de nazi quand tu ne leur donnais pas un sachet de pâtes de plus que les autres, pas non plus ces connards du coin qui traitaient tous les autres de bougnoules alors même qu'ils n'en ramaient pas plus.
Je n'aimais pas les pauvres. Pas plus que je n'aimais les riches. J'aimais et j'aime ceux qui étaient vivants. J'étais déjà un putain de blanc d'une famille prolétaire qui estimait ceux qui trimaient pour pas un rond et qui étaient fiers de contribuer à la survie de ceux qui ne pouvaient pas contribuer.
C'est con comme concept.
Vers midi, nous recueillions les sdf. Contrairement aux autres pauvres "classiques", nous pouvions être "soupe populaire". Car pour rappel, quand Coluche a créé les Restos du cœur, il voulait camoufler la honte des pauvres, c'est-à-dire leur offrir les denrées qu'ils pourraient cuisiner chez eux plutôt que faire la queue pour un bol de soupe. Il avait compris un truc Coluche, c'est que s'enfiler une assiette de manger sur le trottoir, ça n'était plus à la hauteur de la pauvreté gigantesque qui s'installait après 1975, fin des 30 Glorieuses, parmi les ouvriers acculés à la honte après avoir été humiliés (et encore aujourd'hui) par la bourgeoisie peu à peu de gauche et pour autant mondialiste mais totalement anti eux.
Donc je servais aussi les sdf. Le couple et particulièrement Michelle Capitaine cuisinait des potées ou des pot-au-feu de fou. On déconnait. Il y avait du pinard. On se saoulait, on riait, on était l'alternative. Le soleil était au zénith et il faisait toujours gris mais on était bien. Au mieux du moins.
On était gelés. Moi j'étais gelé depuis le petit matin. Je n'étais pas bien. De plus en plus mal depuis des années. Je vais être franc avec vous. Mon père s'est suicidé en 1986. J'ai hérité des dettes mais à mes 18 ans, j'ai touché l'équivalent de 7000€ grâce à une assurance machin truc de son poste de contrôleur des impôts. Puis j'ai touché la même somme grâce à ma grand-mère de la vente de sa maison coron partagé avec ma tante, la sœur de mon père. J'ai tout dépensé en 2 ans dope, alcool.
Donc à 14h00/15h00, quand on rangeait au resto du cœur de Pontoise, je me sentais fatigué. Mais avant de partir, la boss du lieu, Madame Capitaine, sans que je lui demande rien, en lui disant férocement et parfois en me barrant en colère, me tendait un sac avec plein de boîtes de légumes, une boîte de pâté, et autre morceau de pain.
J'étais pauvre je crois, mais je me sentais tellement différent de tous les autres. J'étais un génie, j'étais un connard.
Pour ceux qui ont eu le courage de tout lire: merci

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