L'enfer du télétravail. Journul intime 38

 

Le télétravail à 100%, zombie/machine croupissant dans sa crasse, ses poils poussant, ses écrans dégueus gloutonnés par les postillons, les mous de restes de becquetance entre les dents. Les effluves d'alcool et le sérumen dans le micro-casque creusant la tombe avec des pelleteuses de PowerPoint.

Il faut aller de plus en plus vite. La gueule bouffée par les insomnies, les envies de viande chaude. Tout ça...

L'excitation. Le frère est mort depuis longtemps. Avant même sa naissance, il était déjà mort. 

« Bonjour à toutes et à tous. Je vous partage mon écran. Est-ce que tout le monde voit mon écran ?  »

Silence...

Les tours géantes et vitrées du centre d'affaires sont vides. Des dunes de courants d'air se sont érigées en remparts dans les couloirs. Il n'y a plus d'odeurs de corps, de textiles, d'haleines, de parfums.

Des fantômes lagguent et pixélisent à chaque étage. Une partouze de spectres du monde d'avant.

La viande chaude. Auto-cannibalisme. Écrans. Séries. Blagues sur les réseaux. Visage pâle et traits tirés, plages lointaines, foule farniente, musique cool, cris, mauvaise musique, cocktail à chier.

L'armée des zombies cicatrisent dans la cuvette de cul creusée dans le canapé.

 « Pas de réponse ? Qui ne dit mot consent. J'en déduis que vous voyez tous mon écran... Le premier slide de ce call vous montre les résultats plutôt bons malgré la crise sanitaire et ses conséquences.  »

Le sud, c'est le bout de la rue. La fenêtre sur le monde, la télé, les réseaux, est une lame bien large et aiguisée enfilée dans le cul. Le thermomètre fait office de couteau.

 « Comme vous pouvez le voir, Monsieur le directeur, mesdames, messieurs les chefs de projets, les responsables, les managers, les référents, les spécialistes, l'ensemble des indicateurs sont au vert. La situation sanitaire blablabla... Mais je trouve que ce tableau Excel a quelque chose de sensuel peut-être même de sexuel non ? Qui ne dit maux qu'on sent non ? Je plaisante. Nous n'oublierons jamais nos vies de cons d'avant non ?

- Léonel, vous vous égarez. Ça ne va pas ?

- ça va Édouard, mon cher directeur. Grâce à la situation sanitaire, je peux enfin vous présenter des chiffres de la performance en pantalon de survet qui pue la pisse, le pet, le sperme séché.

- Donnez-moi le contrôle de la présentation Léonel. Je vais projeter tout ça moi-même.

- Monsieur le Directeur. Je pense beaucoup à toi. Tu le vois dans mes yeux de ma Webcam. On n'a parfois vécu des tensions. On a tellement ri quand on faisait le repas de Noël avec toi. Ces petits plats, ces petits secrets... Tu te rappelles quand tu m'as dit que tu étais fan d'ACDC et de Metallica ?

- Léonel, je crois que ça n'intéresse pas Monsieur le Préfet, Madame la Haute-Commissaire d'Etat à la solidarité ni même l'ensemble des participants à cette visio Google Meet.

- Des miettes de tout le monde Édouard. Les malentendus ont failli détruire notre histoire. On a passé les obstacles. On a relevé des défis, on a gagné des challenges... On avait vraiment l'impression de sauver le monde à chaque fois. Tu te rappelles ? »

Le nombre de participants est de 31. La face visible de la Lune.

Je me lève. Je baisse mon vieux jog' qui ne sont pas très bon.

 « Et pour donner une note encore plus positive à notre grandeur de chefs éclairés, bienveillants et biens payés en faveur de nos collaborateurs, je dirais que je vais imploser devant vous. Pas trop vite. Je vous montre ma queue dégueulasse non pour vous provoquer... Mais juste... Pour vous confirmer.. mon implication...  »

Il paraît qu'il faut que l'on se vaccine pour protéger les autres.

Si je porte la lame sur ma queue piteuse dans le cadre de l'écran, la visio, le call, la web-conference, ça n'est pas pour parasiter, c'est pour participer à leur orgasme mécanique de la performance...

Les micros s'ouvrent les uns après les autres. Ça gueule  « Quelle horreur !  »  « Ne faites pas ça léonel !  »... Le sang part en geyser sur la Webcam. J'ai réalisé le plan de ce nouveau dieu. J'écris péniblement encore...et je