Ces touristes gazés dans les fuselages


Je ne cherchais pas à faire de bruit, plutôt tentais-je de m’effacer, de ne plus courir à découvert sans pour autant ramper. J’avais le bruit des pas dans les feuilles craquantes tapissant le sol et c’était tout. La présence des autres, de l’être humain, ses membres familiers mais aussi hostiles, son œil venin tout comme ses accolades clientes, ses rouges à lèvres brillants tapissant l’acide de sa bouche, l’Homme, ses grosses mains, ses petites mains, ses salles d’attente, ses bandes d’arrêt d’urgence, ses abribus et ses casernes. Je me tapissais dans l’ombre de la nature, ses résidus, ses derniers îlots rabougris serrés contre des rochers. J’étais là à ne plus pouvoir bouger, attendant que la faim et la soif me rongent, qu’un de ces gros avions me survole et vide ses soutes à bagages pour me fracasser sous le poids des affaires de ces touristes gazés dans les fuselages puis brûlés dans la stratosphère. Dans ce petit cercle de survie, à l’abri de la bise méchante venue du Far-N, j’avais un peu de l’éternité d’un instant tout autour de moi. Quand j’ai entendu les cris au loin des fuyards qu’on traquait, je me suis relevé pour regarder, presque prendre plaisir à les voir se faire abattre. Non que je fus excité par la vision de cadavres percés de balles puissances, mais plutôt la joie de ne pas en être, de me terrer sur ce terril submergé de verdure. 

 

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